mercredi 23 septembre 2009

Livres de plage et de champ de bataille

Tel est l’intitulé du premier intertitre de la partie septième (sur treize : si cette chronique vous lasse, je vous rassure tout de suite, nous avons déjà passé ensemble le cap de sa moitié ;-) d’une, eh oui ;-) Histoire de la lecture dans le monde occidental.
Aujourd’hui : Le lecteur humaniste.
Son auteur, Anthony Grafton, de l’Université de Princeton, s’attache d’abord au personnage emblématique de Machiavel, lecteur des premiers “livres de poche”, lancés quelques années plus tôt (nous sommes en 1513) par Manuce.
Des “livres de plage”. Mais, aussi, Machiavel, lecteur dans sa bibliothèque de travail des imposants in-folio de Cicéron, Tite-Live, Tacite… Des “livres de champ de bataille”.
Un homme. Machiavel certes ! Deux types de livres et de lectures (au minimum ;-)
« Machiavel, souligne Grafton, pratiquait ces deux sortes de lecture sans difficulté, et nous voyons qu’il se sentait parfaitement capable de choisir aussi bien son système d’interprétation que le texte auquel il allait l’appliquer. »
Certes ! Personnellement cela me semblait assez évident a priori. Il ne faudrait pas prendre Machiavel pour un âne. Mais, nous autres, lecteurs du 21e siècle, à combien de pratiques de lectures pouvons-nous nous adonner ?
Dans l’approche du « spectre des manières de lire des humanistes », ce qui m’intéresse c’est notre spectre de lecture, à nous lecteurs et lectrices d’aujourd’hui, et c’est à lui que je pense. Lectures d’étude ou de travail, lectures pour comprendre, pour mémoriser, pour consulter simplement ; et lectures de divertissement, de romans, de poésies, et cetera ; lectures de BD, lecture des panneaux publicitaires et des plans de métro, des panneaux routiers et des GPS, lecture sur son ordinateur ou son smartphone, et lectures des journaux, des magazines, des publicités, et cetera ; lecture sur l’écran de la télé, lecture des sous-titrages au cinéma… Certains lisent à la plage, aux terrasses des cafés, sur les bancs publics, dans le métro, dans l’avion, certains lisent dans leur lit, certains aux toilettes… Nos lieux et nos pratiques de lecture sont certainement aujourd’hui bien plus variés.
Et vous ? Où, quoi et comment lisez-vous ?
Mais nous retrouvons et nous partageons tous le même souci de l’utilisabilité du dispositif de lecture (notion d'utilisabilité, ou usabilité, d’après l’anglais usability qui définit la capacité d’un nouveau produit à être, à la fois, utile, utilisable et utilisé par des acteurs-consommateurs, en l’occurrence par des lecteurs), de son ergonomie, de sa praticité, que celui qui s’exprimait déjà dans ces propos rapportés d’un client de Manuce et qui lui écrivait : « Vos livres, qui sont si maniables que je peux les lire en marchant, et même, en quelque sorte, en jouant mon rôle de courtisan, chaque fois que la possibilité s’en présente, sont devenus pour moi un très grand plaisir. » (1501 !).

Accepter la possibilité du paradoxe
Face à la déliquescence des autres médias (entertainment <=> infotainment. Je pense surtout à la télévision...) le livre, pouvant bénéficier à l’ère numérique d’une diffusion multicanal multisupport et d’un prix abordable, pourrait-il redevenir : « la principale source des faits et des idées » qu’il était pour les humanistes ?
Je revendique ici, s’agissant de mes impressions de lecture personnelles, le caractère subjectif de mes propos et de mon approche de l’ouvrage concerné. C’est pour moi d’un “livre de champ de bataille” dont il s’agit ;-)
« Toute analyse historique de cette entreprise complexe et protéiforme qu’est la lecture doit résister aux sirènes de la grande théorie et à la tentation de distinguer des changements tranchés, pour accepter la possibilité du paradoxe et de la contradiction. ».
Si j’avais dirigé cet ouvrage collectif, cette déclaration, fort pertinente, d’Anthony Grafton, aurait figuré en exergue ;-)
A suivre...

3 commentaires:

  1. Tu pourras me prêter ce bouquin SVP ? Car le spectre de lecture des humanistes m'intrigue. Quand Machiavel lit Tite-Live il n'est pas sur le champ de bataille (pour innonder Pise par exemple) mais en résidence surveillée, alors pourquoi cette dénomination ?
    Quand ses contemporains, les humanistes en référence; lisent les auteurs antiques c'est surtout en philologue et latinistes et encore une fois il ne sont pas sur les champs de bataille, pourtant fréquentés par certains, mais dans leur cabinet de travail.
    Ils sont même prêts à tuer pour s'emparer d'une bibliothèque.
    Je trouve cet intertitre incohérent (je le prend aux pieds de la lettre évidemment), mais ton auteur possède sûrement des infos le justifiant.

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  2. @ Marc-André : en effet, il ne faut bien évidemment pas prendre au pied de la lettre (sic) l'intitulé de cet intertitre : il s'agit de champ de bataille... de la pensée (les cabinets de travail, les bibliothèques...), de même que les "livres de plage" étaient lus à l'extérieur certes, mais dans la campagne plus que véritablement sur la plage (notre fréquentation récréative des plages est assez récente je crois (?)
    Ce n'est là qu'une simple partie du livre que je chronique et elle n'apporte pas d'autre éclairage particulier sur ce point précis.
    Je pense, quand j'aurai fini cette lecture et cette série de réflexions à, peut-être, en publier l'intégralité, avec une introduction et des compléments d'informations, des enrichissements peut-être aussi en fonction des commentaires que mes impressions de lecture provoquent (sur ce blog et sur Facebook). A suivre donc ;-)

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  3. la plus guerre qui se livre en nous est dans notre cerveau. Que de batailles perdues ;-)

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