mardi 29 septembre 2009

Quel(s) support(s) pour le livre de demain ?

A l'aimable invitation d'Elisabeth Chainet, j'ai eu le plaisir le 04 mars 2009 de participer à une table ronde sur ce thème  : Quel(s) support(s) pour le livre de demain ? (c'est moi qui ajoute les "s" ;-) organisée à la Maison de la chimie (Paris), dans le cadre du Salon Demain le livre, des 04 et 05 mars dernier, cette année en avant-première de la fameuse Nuit du livre.
Pour information voici la synthèse de ma réponse d'alors :
" Je vais m’attacher à répondre à la question en tant que prospectiviste du livre et de l’édition. La prospective du livre et de l’édition c’est quoi ? Ce pourrait, dans le cadre de l’histoire du livre, être une discipline nouvelle, dont l’idée a germé en moi en 2006 au cours de la rédaction de la première édition de Gutenberg 2.0, le futur du livre.
Nous pouvons distinguer deux grandes époques dans l’histoire du livre. Avant 1958, c’est une histoire des techniques liées aux métiers du livre. A partir de 1958 et la parution aux éditions Albin Michel de l’ouvrage de Lucien Febvre et Henri-Jean Martin, L’apparition du livre, l’histoire du livre devient davantage sociologique et humaine. C’est une histoire de l’influence du livre sur les hommes et les sociétés, et, également, des influences de l’histoire et de ses événements sur le livre et sa diffusion.
Aujourd’hui et dans cette perspective, la prospective du livre et de l’édition pourrait, je pense, en cette période de mutation qui peut rappeler celle du 15e siècle, apporter des éclairages intéressants sur l’avenir du livre et de la lecture.
Je proposerais donc comme définition de la prospective de l'édition : la discipline qui s’applique à définir et à représenter les mutations et les nouvelles formes possibles d'organisations socio-économiques, dans le secteur du livre et de l'édition, afin d'y mettre en œuvre des stratégies de développement.
Dans cette perspective je relève une ambigüité dans le thème de cette table ronde : Quel(S) support(S) pour le livre de demain ? Faut-il l’entendre au singulier, comme cela est écrit, ou, plutôt, au pluriel ?
De même ne devrions-nous pas parler “des livres de demain”, plutôt que “du livre de demain” ?
Précisons bien en effet de quoi nous parlons. Distinguons, le support, c’est-à-dire le papier, du dispositif de lecture, le livre, c’est-à-dire des cahiers de feuilles reliés entre eux.
On passe là de la prospective de l’édition à celle du livre, que nous pourrions définir à son tour ainsi : la prospective du livre s’applique à définir et à représenter les évolutions et les mutations des livres, conçus comme dispositifs de lecture, et en les considérant comme des interfaces I2L (ou ILL), c’est-à-dire interfaces lecteurs / livres. Sur le modèle des IHM, des interfaces hommes/machines. Une interface est ce qui assure la communication entre deux systèmes, un homme et une machine (par exemple en informatique, les souris, claviers, etc.). Un rouleau de papyrus est une interface spécifique. Les manuscrits, comme les livres imprimés, ont la même interface, celle de la forme codex. Au 15e siècle les hommes inventèrent des interfaces assez évoluées, comme, par exemple, les Roues à livres, qui préfiguraient la navigation hypertexte d’un livre à l’autre.
Le codex s’impose vers l’an 400. Le livre imprimé vers 1450. Mais ce qui a évolué c’est le support (passage du parchemin au papier, couverture…) et la typographie (passage de la copie manuscrite au procédé d’impression mécanique avec caractères mobiles…), plus que le dispositif de lecture (des cahiers de feuilles reliés). Le passage du rouleau au codex signifie l’apparition de la page (feuilletage possible, recherche dans le texte, lecture plus rapide, indexation, etc.).
Aujourd’hui, avec le passage du livre relié aux tablettes e-paper, c’est le passage de cahiers de feuilles reliés à une seule et unique page réinscriptible. Mais l’on reste encore pour l’instant dans la logique de la page. Or, l’ensemble des lectorats, et pas seulement les digital natives, se sont habitués à de nouvelles formes de lectures avec le Web 2.0 (hypertexte, multifenêtrage, personnalisation de l’affichage, etc.).
Si nous considérons qu’il n’y a pas LE livre en général mais DES livres, pas UN lectorat mais DES lecteurs, et de multiples usages et situations de lecture, nous pouvons penser que nous allons vers une pluralité de supports, que nous pourrions appeler des terminaux de lecture (et non plus vers un support unique comme aujourd’hui) : des tablettes (puis rouleaux un jour) d’e-paper, Smartphones (iPhone, etc.), GPS, tables multitouch de restaurant… Avec peut-être pour chaque terminal une technologie d’affichage différente (OLED, LCD, électromouillage, e-ink, i-surface, etc.). Il y a, ne l'oublions pas, des situations où le rétroéclairage peut être un plus.
En conclusion, à la question : Quel support pour le livre de demain ? Je répondrai que personne ne peut savoir aujourd’hui avec certitude ni sur quoi ni comment nous lirons d’ici quelques décennies, mais que :
- Le livre, en tant que contenant, va probablement progressivement être remplacé, au profit de plusieurs supports basés sur le principe de la page réinscriptible, et chacun adaptés aux différents usages et contextes de lectures.
- Le livre, en tant que contenu (textes, illustrations), se commercialisera dans une logique de diffusion multicanal multisupport, sur la base de nouveaux modèles économiques qui sont en train de se mettre en place. "

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