lundi 19 octobre 2009

Pandémie de lecture vs Grippe A H1N1

Reinhard Wittmann pose la question d’ “Une révolution de la lecture à la fin du XVIIIe siècle ?” (dans Histoire de la lecture dans le monde occidental, partie 11). Une question à laquelle il répondra par l’affirmative.

En effet, à partir du milieu du 18e siècle l’on aurait constaté dans l’Europe de l’Ouest, en Angleterre, en France, puis en Allemagne, une véritable « révolution culturelle », que les historiens désignent carrément sous le nom de « rage de lire », allant même jusqu’à parler d’une « épidémie collective de lecture ». Eh oui !
Reinhard Wittmann nous en rapporte plusieurs témoignages d’époque, qui nous feraient désespérer de n’avoir rien trouvé de mieux, nous autres du 21e siècle, que la grippe A H1N1 ;-(
Aujourd’hui ces historiens du livre et de la lecture expliquent simplement « ce changement séculier comme le passage révolutionnaire de la lecture “intensive” à la lecture “extensive”… » (J’avais déjà abordé cette question dans deux précédents billets : De la lecture extensive à une lecture intensive, et, Lecture extensive vs lecture intensive).
« La culture de l’écrit et la littérature devinrent, écrit Reinhard Wittmann, les champs d’expérimentation de l’auto-interprétation et de la réflexion. Le livre et la lecture prirent aussi une nouvelle place dans la conscience publique. » (La culture du Web 2.0 et l’édition numérique joueront-ils ce rôle d’émancipation intellectuelle ? L’apprentissage aux outils et aux logiques du numérique n’est pas sans rappeler les nécessaires apprentissages de l’alphabétisation…).
Les années 1745-1775 virent donc l’éclosion d’une « lecture moderne » dont nous vivons aujourd’hui le déclin, ou le rebond ;-)
La récente étude d’Olivier Donnat, Les pratiques culturelles des Français à l’ère numérique - Éléments de synthèse 1997-2008 (publiée par les éditions de La Découverte et le Ministère de la culture et de la communication, et accessible en ligne ici…), à mon avis, ne répond pas à cette question : déclin ou rebond de la lecture ? Et ce, malgré ce que nous pouvons entendre et lire dans les médias. La conclusion, consensuellement véhiculée dans une belle harmonie, est que : les français lisent moins. Cela dit, l’étude met en évidence : « la montée en puissance de la culture d’écran », avant de déclarer : « la lecture de presse et de livres toujours en recul », mais, sans relier les deux constatations. Le principal biais, selon moi (outre que l’on reste toujours en droit de douter de la représentativité nationale d’un échantillon quel qu’il soit), est que, les postulats étant ce qu’ils sont et les sondés répondant aux questions posées, seules les pratiques, entre guillemets “traditionnelles” de lecture de livres et de presse ont été prises en compte. Les nouvelles pratiques de lecture (notamment sur écrans) sont ignorées. Or, lire en 2009, c’est de moins en moins souvent lire un imprimé. Nonobstant c’est malgré tout : LIRE. Cette étude est à mon sens, en tant que prospectiviste, principalement intéressante par son approche générationnelle. De fait, la génération des moins de 30 ans, au sujet de laquelle Olivier Donnat conclut : « elle est la génération d’un troisième âge médiatique encore en devenir », accélérera inévitablement les mutations en cours dans la galaxie Gutenberg, dès qu’elle accédera aux commandes, ou le jour où les commandes seront plus facilement accessibles par d’autres voies.
Pour en revenir à notre sujet, dans sa partie, Reinhard Wittmann (de Munich) explore la population des lecteurs et leurs pratiques de lecture (une lecture de divertissement, une lecture cursive didactique, et une lecture utilitaire), principalement sur l’espace linguistique allemand, avant d’en revenir à cette fameuse « fureur de lire », « …“narcotique” (comme l’appelle le philosophe J.G. Fichte) et souvent destinée à fuir le réel… ».
Mais nonobstant, ce qu’il est intéressant alors de souligner d’après moi, c’est que ces nouveaux lecteurs : « expérimentaient de nouvelles approches du texte littéraire, de nouveaux modes et rites de lecture. », avec pour incidence de faire du livre une marchandise culturelle et pour corolaire de mettre en œuvre des solutions pour « lire sans acheter » ;-) (Cabinets littéraires, bibliothèques de prêt, sociétés de lecture…), et qu’ils favorisèrent ainsi l’émergence de la lecture, comme une « technique culturelle considérée comme une forme de communication originale. ».
Oui. Vous avez bien lu : une technique culturelle considérée comme une forme de communication originale. A quoi d’autre que la stricte lecture d’imprimés cela pourrait-il nous faire penser aujourd’hui ? ;-)
A suivre…

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire