samedi 24 mars 2012

Le corps du lecteur dans la lecture

Il n'était pas directement question de livres ni de lectures aux tables rondes auxquelles j'ai assistées hier après-midi à La Gaité Lyrique (Paris). La société contemporaine semble bien refuser que le livre et la lecture soient objets de prospective ! Le thème général en était : "Le corps en 2062"  à l'initiative de l'Observatoire Nivea, et se décomposait en deux tables rondes, la première : "Le corps et l’art ces 50 prochaines années", puis la seconde : "Le corps dans la vie quotidienne en 2062".
  
Ce sera l'intervention de Catherine Bouko (Maître de conférences à l'Université Libre de Bruxelles) sur le théâtre immersif qui aura eu le plus d'échos en moi.
Si j'essaye de rapporter au monde du livre et de la lecture les recherches qui sont conduites ailleurs, dans les domaines des arts numériques et du spectacle vivant, par exemple, voici ce qu'il ressort de mes premières réflexions :
- Le codex pourrait, devrait être réinterrogé en tant que prothèse du lecteur...
- La lecture romanesque est une trappe d'immersion naturelle...
- Il y aurait certainement des similitudes à étudier entre le théâtre immersif et les fictions immersives qui pourraient être le genre littéraire émergent au cours du 21e siècle...
- En passant directement de l'âge mécanique [livre imprimé relié] à l'âge électronique [tablette de lecture connectée] la prothèse / interface évolue et rendrait potentiellement possible au cours des prochaines années une plus grande projection mentale du lecteur dans l'histoire qu'il lit...
  
Vers une lecture à fleur de peau...
  
Si le lecteur doit pouvoir garder sa liberté de perception et d'interprétation, la simulation est toujours à l'oeuvre et participe pleinement de l'investissement émotionnel du lecteur. Umberto Eco ne dit pas autre chose dans Lector in fabula.
Dans le théâtre immersif on ne parle plus de spectateur mais "d'immersant". Selon les développements que prendraient les fictions immersives, peut-être constaterons-nous un jour qu'un glissement se sera produit de lecteur à participant, puis à personnage (?), puis à co-auteur (?).
Il serait urgent selon moi d'étudier sérieusement le rôle des neurones miroirs dans la lecture de fictions romanesques, celles qui suscitent le plus des phénomènes d'identification et de projection chez les lecteurs. "Les neurones miroirs désignent une catégorie de neurones du cerveau qui présentent une activité aussi bien lorsqu'un individu (humain ou animal) exécute une action que lorsqu'il observe un autre individu (en particulier de son espèce) exécuter la même action, ou même lorsqu'il imagine une telle action [?], d'où le terme miroir." (Wikipédia).
    
J'ai vraiment l'impression que l'interprofession du livre reste en marge de l'innovation et du vaste mouvement qui se déploie. Le format ePub 3 apparaît comme l'horizon indépassable de l'édition numérique alors que les sciences et les autres pratiques artistiques dépassent horizons après horizons.
 
Du papier à la peau électronique le pas est déjà presque franchi (se reporter par exemple aux travaux de Stéphanie Lacour, chercheuse à l’EPFL, l'École Polytechnique Fédérale de Lausanne), et hier Eugénie Briot (Maître de conférences à l'Université Paris-Est Marne-la-Vallée) évoquait la possibilité que la technologie de l'encre électronique soit un jour utilisée pour des crèmes cosmétiques.
Quelles connexions demain entre des fictions immersives et la "télévision cérébrale" (brain TV) dont on commence à entendre parler de plus en plus souvent (voir ici par exemple...).
A signaler également hier la prestation de Yann Minh, lequel est revenu sur ses travaux sur le corps cyberesthésique et a abordé plusieurs points qu'il avait exposé récemment lors d'une conférence dans l'incubateur MétaLectures, que j'anime sur le web 3D open source Francogrid (voir ici au sujet de cette conférence de Yann Minh).
Même s'il n'était pas question de livres et de lectures cela valait le coup hier d'assister à ces deux tables rondes.
    

2 commentaires:

  1. Je saisis au vol le mot d'immersant,
    et je réfléchis à la notion de théâtre immersif
    la littérature est un âtre, pour le moins

    le temps d'immersion (cet hors temps)
    un véritable luxe dans "l'emploi" du temps

    même à l'arrêt de bus,
    fut-ce sur une iChoz
    via Stanza.

    L'art de plonger et de se plonger dans une fiction...
    pas en passe de disparaître, lui...

    C'est un bonheur de découvrir votre blog.

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    1. Merci :-) (Je suis alllé voir le vôtre et y retournerai avec plus de temps, intéressant aussi...)

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