lundi 27 août 2012

Paul Valéry en prospectiviste

Dans La conquête de l’ubiquité en 1928, Paul Valéry prédit des « changements prochains et très profonds dans l’antique industrie du Beau. ».
L’auteur du Cimetière marin, esprit mallarméen en perpétuelle quête d’une plus juste connaissance de soi et du monde, écrit quelques lignes plus loin : « Ni la matière, ni l’espace, ni le temps ne sont depuis vingt ans ce qu’ils étaient depuis toujours. Il faut s’attendre que de si grandes nouveautés transforment toute la technique des arts, agissent par là sur l’invention elle-même, aillent peut-être jusqu’à modifier merveilleusement la notion même de l’art. ».
Ce court texte, de trois pages seulement, annonce les dispositifs numériques qui depuis nous sont familiers, anticipe les technologies de la communication, et va encore bien plus loin si nous savons y déceler l'espoir derrière les mots.

A son souvenir d’enfance : « Il me souvient ici d’une féerie que j’ai vue enfant dans un théâtre étranger. Ou que je crois d’avoir vue. Dans le palais de l’Enchanteur, les meubles parlaient, chantaient, prenaient à l’action une part poétique et narquoise. Une porte qui s’ouvrait sonnait une grêle ou pompeuse fanfare. On ne s’asseyait sur un pouf, que le pouf accablé ne gémît quelque politesse. Chaque chose effleurée exhalait une mélodie. », je ne peux m’empêcher de penser en lisant ces lignes aux “livres-applications” que les éditeurs pure-players cherchent aujourd'hui à développer pour les plus jeunes lecteurs.

Si nous mettons ce texte de 1928 en parallèle d’un billet de blog, daté lui du 24 août 2012 et signé Chris M. Collins, analyste en technologies de l’information à l’Université de Cincinnati : Why Anyone Who Cares About the Metaverse Needs to Move Beyond Second Life ; Now, Not Later (Pourquoi quiconque se soucie du Métavers doit aller au-delà de Second Life ; maintenant, pas plus tard) nous remettons nos pas dans ceux, clairvoyants et confiants, de Paul Valéry.
Ce lien avec ce qui, aujourd’hui, s’apprête à transformer « toute la technique des arts, [agissant] par là sur l’invention elle-même, [allant] peut-être jusqu’à modifier merveilleusement la notion même de l’art. » m’apparaît en effet pertinent.
Et je pense d’ailleurs pouvoir dans les mois à venir en apporter quelques preuves, en relation avec l’incubateur MétaLectures, que j’ai lancé en janvier dernier avec l’assistance de l’association Francogrid, le premier Métavers 3D francophone libre.

Maintenant, pas plus tard…
« Le vent se lève ! …  il faut tenter de vivre !
L'air immense ouvre et referme mon livre,
La vague en poudre ose jaillir des rocs !
Envolez-vous, pages tout éblouies !
Rompez, vagues ! Rompez d'eaux réjouies
Ce toit tranquille où picoraient des focs ! »
(Le cimetière marin).
  

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