mercredi 11 juin 2014

De l'hypothèse Marthe Robert en prospective du livre

L'essai publié en 1972 par la critique et analyste Marthe Robert : Roman des origines et origines du roman, est un ouvrage de référence.
Au regard de la prospective du livre il s'inscrit dans la perspective de l'essai du psychanalyste Otto Rank en 1909 : Le mythe de la naissance du héros - Essai d'une interprétation psychanalytique du mythe (« L'auteur fait dériver d'un rêve diurne adolescent le conte très répandu de l'exposition du héros à la naissance. Il parvient ainsi dans "Le mythe de la naissance du héros" à rendre évidentes les dynamiques d'un fantasme qui se réalise dans les histoires légendaires, mais aussi dans les délires paranoïaques. Dans "La légende de Lohengrin", il retrouve ce fantasme dans les romans de chevalerie. »), ouvrage dans lequel Freud  inséra un court texte intitulé : Le roman familial des névrosés. Nous pouvons aussi nous référer à l'article de Freud de 1908 : La création littéraire et le rêve éveillé.
 
L'hypothèse Marthe Robert pourrait se formuler ainsi : le jeune enfant, que nous avons tous et toutes été, passe par deux types de scénarios : celui de "l'enfant trouvé" qui (pour dire cela rapidement) s'imagine né d'une "famille royale", puis, celui du Bâtard qui relègue le père dans un royaume de fantaisie, et ainsi l'éloigne à bon compte et s'en débarrasse facilement..., or, ce serait là les deux attitudes qui se retrouveraient dans le genre romanesque et qui, pour Marthe Robert, le définissent en tant que tel. Le roman n'aurait ainsi pas de formes fixes déterminées, mais, un contenu obligé : celui de rendre compte du "roman familial de l'enfance".
Je pense que la pertinence et la perspicacité qui se déploient dans cet essai méritent l'attention. Le phénomène romanesque y est analysé (Defoe, Cervantès, Balzac, Flaubert, Kafka...) avec une acuité que nous devrions peut-être avoir aujourd'hui, alors que la ludification gagne le champ du livre via l'édition numérique applicative.
Pour Marthe Robert : "A strictement parler, il n'y a que deux façons de faire un roman : celle du bâtard réaliste, qui seconde le monde tout en l'attaquant de front ; et celle de l'enfant trouvé, qui, faute de connaissances et de moyens d'action, esquive le combat par la fuite ou la bouderie.".
  
La question est la suivante : les formes émergeantes de littérature répondent-elles aux mêmes déterminismes psychologiques, ou bien, les nouvelles pratiques d'écriture et de diffusion des histoires permettent-elles aux auteurs de s'en libérer ?  
Ne serait-il pas pertinent en prospective du livre et de la lecture, en plus de la prise en compte de l'hypothèse Sapir-Whorf, et, de celle de la théorie des univers parallèles, d'intégrer cette dimension psychanalytique alors qu'une nouvelle grammaire semble s'autogénérer à partir des jeux vidéos et des séries télévisuelles et que se dessinent des formes, réellement ou faussement nouvelles (?) de narration, issues, précisément, des jeux de rôles ? 
Et que nous disait déjà Freud en 1908 ?
« N'oubliez pas que la façon, peut-être surprenante, dont j'ai souligné l'importance des souvenirs d'enfance dans la vie des créateurs, découle en dernier lieu de l'hypothèse d'après laquelle l'œuvre littéraire, tout comme le rêve diurne, serait une continuation et un substitut du jeu enfantin d'autrefois. » (La création littéraire et le rêve éveillé).

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire