samedi 14 juin 2014

Retour sur le Café de la Prospective (du livre)

Le 14 mai dernier j'ai eu le plaisir, à l'invitation de Régine Monti, Marc Mousli et Philippe Durance, d'animer un Café de la Prospective.
Une belle occasion pendant deux heures (et nous avons débordé en off) de présenter la prospective du livre et d'échanger avec des professionnels et des passionnés de... prospective (mais pour beaucoup de livres également). Merci à toutes et tous pour ces fructueux échanges :-)
 
Comment résumer la richesse de ces échanges ? Difficile. J'ai brièvement retracé mon parcours, le pourquoi et le comment depuis le début des années 2000 je me consacre à plein temps à cette activité de chercheur indépendant en prospective du livre et de la lecture, que je définis aujourd'hui comme : " la mise en perspective historique et l'étude de l'évolution des dispositifs et des pratiques de lecture ".
J'ai précisé que mon travail ne reposait pas uniquement sur le postulat d'un passage de l'édition imprimée à l'édition numérique, mais que j'y intégrais au moins deux hypothèses sur la "non existence de l'édition numérique".
J'ai insisté sur quelques points :
- La dimension transhistorique de la prospective du livre, regrettant que les historiens n'assurent pas véritablement le rôle important qu'ils ont à mes yeux dans la période de mutations que nous traversons...
- La dimension anthropologique, en me référant à l'hypothèse de Sapir-Whorf, aux travaux de Clarisse Herrenschmidt et de Tim Ingold entre autres, à la mythanalyse d'Hervé Fischer, à la mémétique, etc.
- La dimension psychanalytique, en évoquant la notion de "honte prométhéenne" exposée par Günther Anders, les travaux de Marthe Robert..., et en interrogeant au sujet des nouveaux dispositifs de lecture la relation à l'objet et au fétichisme en prenant l'exemple de personnes très engagées dans l'évangélisation des "liseuses" et autres tablettes alors que leurs parents étaient dans la bibliophilie...
Concernant mes méthodes de travail j'ai surtout insisté sur ma pratique de la veille, à la fois stratégique et technologique, mais aussi sémantique et critique. Une activité de veille permanente et non par à-coups, non automatisée, plastique, intuitive et en permanence reconfigurable, et à partir d'une multitude de sources, dont certaines décentrées, voire en apparence... excentriques.
En tant que chercheur j'intègre dans ma veille, tant ce qui relève du langage (attention portée aux métaphores, aux glissements de sens, aux adjectifs abusivement substantivés...), que les facteurs humains, et la sérendipité.

 
Enfin, j'ai évoqué les difficultés que je rencontre dans mon travail et qui proviennent principalement de deux causes :
- Conservatisme : une volonté plus ou moins manifeste des acteurs de l'interprofession du livre de prolonger le présent le plus longtemps possible...
- Intox : un parasitage de ce présent soumis au brouillage et à la désinformation de différents groupes de pression, d'études statistiques pas forcément si représentatives et neutres que cela, des blogs perroquets et de ceux américano et "technophilocentrés"...
  
Avant de conclure j'ai brièvement évoqué d'autres soucis, qui dépassent en partie mais qui stigmatisent bien cependant les comportements de beaucoup face à l'avenir, et la crainte que l'innovation pourrait nuire à la sécurité de leur plan de carrière. Je pensais aussi à l'entre-soi, à la morgue d'élites grenouillantes plus ou moins autoproclamées. J'en ai récemment encore eu un bien triste exemple avec un grand établissement public :-(  
 
J'ai conclu en précisant que je m'autorisais, au regard de mon indépendance, à être également une force de propositions.
En effet, dans la lignée de l'école française de prospective je considère qu'il ne s'agit évidemment pas pour moi de prédire, mais pas non plus de seulement prévoir. Je m'efforce en fait concrètement à déterminer les futurs possibles et, parmi eux, à distinguer les futurs souhaitables
Dès 2009 dans mon livre blanc sur la prospective du livre et de l'édition je formulais six orientations souhaitables et j'émettais huit propositions. J'en faisais quatre autres dans le cadre de ma chronique hebdomadaire de l'année 2012. En avril 2013 j'ai formulé quatorze droits fondamentaux des lecteurs dans le cadre d'un passage de l'édition imprimée à l'édition numérique, et je collabore actuellement à la mise au point d'un Manifeste pour un écosystème du livre équitable.
 
Parce que la lecture est fondamentalement l’activité première du vivant qui a besoin de décoder et de documenter son environnement pour y survivre et s’y développer il m’apparaît essentiel d’être vigilant sur les évolutions, les appauvrissements ou les extensions, de la lecture.
Et ainsi, tel un Don Quichotte je vais ;-) 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire