jeudi 29 octobre 2015

Des lectures marginales

En prospective du livre et de la lecture, c'est-à-dire la réflexion et l'étude sur les mutations des dispositifs et des pratiques de lecture(s), régulièrement s'offrent des publications en marge, qui viennent enrichir nos connaissances et ouvrir de nouvelles perspectives.
Ni reconnue, ni structurée comme une discipline à part entière, la prospective du livre et de la lecture se constitue ainsi progressivement comme un champ, à la fois à explorer et à arpenter.
 
Récemment ce fut ainsi éclairant de lire et de mettre en parallèle deux essais.
Le premier de Paul Watzlawick, La réalité de la réalité, date de 1978 pour sa traduction française, et pose la question : mais où est donc le réel, comme référent suprême, et existe-t-il... réellement ?
Le deuxième est paru cette année aux éditions du CNRS et constitue, sous la plume d'Anne Besson, chercheuse spécialiste des ensembles romanesques et de la fantasy (université d'Artois) et le titre de : Constellations - Des mondes fictionnels dans l'imaginaire contemporain, un véritable panorama des univers alternatifs proliférants qui, s'ils sont souvent préfabriqués pour nous soumettre à des logiques marchandes à l'échelle planétaire, n'en demeurent pas moins potentiellement habitables et colonisables par des lecteurs libérés.
"Les œuvres de fiction deviennent des mondes, le monde réel est fictionnalisé. Nous vivons une ère de l'imagination réhabilitée... Anne Besson décrypte pour nous ce nouvel âge de la fiction." (extrait 4e de couverture).
   
Dès lors il s'agit bien, comme le propose la prospective de la lecture, de s'interroger sur le devenir de ce que nous appelons "lecture" face à de nouveaux accès de l'imaginaire dans des mondes fictionnels.
Nous devons prendre conscience que les mutations en gestation dans le secteur, apparemment innocent, du livre, dépassent de beaucoup les simples et habituelles questions matérielles liées aux supports et aux dispositifs de lecture. Probablement même qu'à l'échéance de la fin de ce siècle la problématique ne se posera plus en ces termes (c'est-à-dire dans ceux où, malheureusement, la majorité d'entre nous la pose encore aujourd'hui), et, sans que cela n'ait plus alors aucune espèce d'importance, elle n'aura pas pour autant, cette problématique, été résolue, ni par rapport à une opposition, ni même par rapport à une complémentarité, papier / écran, imprimé / numérique.
Car ce qui se prépare actuellement est en fait bien plus de l'ordre de l'émergence, d'une part, de nouvelles formes de narration, et, d'autre part, d'univers transfictionnels, avec des moyens d'accès et de locomotion dans l'imaginaire que nous commençons tout juste à pouvoir deviner (casques de réalité virtuelle, lunettes et/ou lentilles connectées, intelligences artificielles et transferts de mémoires, etc.).


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