mardi 3 novembre 2015

Ce qui donnera alors réalité aux livres une fois que...

Certaines choses disparaissent...
Après la disparition du livre imprimé l'absence de livre parlera encore. Cela, surprenant, prendra sans doute la forme rassurante d'une histoire, d'une légende qui nous protègera de la menace qu'elle nous racontera. 
Sur quoi, alors, ce récit de la disparition sera-t-il fondé ?
Sur "une survivance parlante, le reste obscur qui ne veut pas céder..." ? (détournement d'une citation de Maurice Blanchot, dans Le livre à venir, 1959).
Car, l'air de rien, cette part obscure du volume imprimé donnait une consistance aux choses artificielles de l'esprit.
"Tibet imaginaire".
Et oui ! nous disions : "des volumes".
Nous disions : "un pavé".
Et voilà ! on le jette dans la mare.
Et quoi ?
Rien.
"Apparemment un grand silence. C'est ce qu'on dit poliment lorsque quelque écrivain disparaît : une voix s'est tue." (Blanchot).

Qu'est-ce qui, alors, donnera encore réalité de livre aux livres ?
La lecture, seule, pourrait-elle s'affirmer, briller seule ?
"Dans la clarté mystérieuse qu'elle propage et que chaque création littéraire lui renvoie en la multipliant, comme s'il y avait donc une "essence" de la littérature..." (une nouvelle fois, détournement d'une citation de Maurice Blanchot, dans Le livre à venir, 1959).
Nous avions bien conscience jusqu'à aujourd'hui d'une certaine réalité du livre.
Et là voilà qu'elle se dérobe.
J'avance l'idée que ce serait, que ce sera, aux oeuvres, finalement, de rendre visible le livre (et non plus l'inverse).
J'avance l'idée que les oeuvres littéraires seront un jour d'outre-livre, à porter l'absence de livre à un tel point d'incandescence que cela en sera peut-être parfois obscène, voire même d'une indécence cruelle, et ce sera cet horizon-là qu'il nous faudra alors dépasser pour véritablement entrer dans des œuvres que nous ne pourrons plus simplement aligner sur des étagères.

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