lundi 30 novembre 2009

Définir le livre numérique ?

Une définition doit être un phare. D’autre part, dans le contexte actuel, définir le livre numérique est indispensable pour plusieurs raisons : fiscales d’abord, notamment par rapport à la fixation du taux de TVA, législatives ensuite, par rapport aux règlementations relatives au commerce du livre, à l’édition et au droit d’auteur.
Nonobstant, à ma connaissance, en ce jour du 30 novembre 2009, nous n’avons toujours aucune définition du livre numérique.
Certes, cela fait un moment que, tant les organisations représentatives de l’interprofession, que quelques évangélisateurs, se creusent la cervelle sur cette question. Mais, force est de constater que si, incontestablement, nombre de ces apports sont instructifs, voire éclairants, aucun n’est suffisamment clair pour servir de cadre structurant au nouveau paysage qui se dessine sous nos yeux.
Il ne s’agit pas en l’occurrence d’expliquer, mais, de définir. Or : « Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement. Et les mots pour le dire arrivent aisément. », écrivait l’ami Boileau en 1674 dans son Art poétique. Définir une automobile, par exemple, c’est dire : “Véhicule routier mû par un moteur à explosion, à combustion interne, électrique, ou par turbine à gaz.” (Larousse.fr), et, non pas, décrire dans le détail les différentes pièces mécaniques et leur fonctionnement les unes par rapport aux autres et cetera. Une définition doit oser prétendre à une certaine universalité et ainsi, faire abstraction des cas singuliers et des expériences particulières.
Aussi, définir le livre numérique, cela doit être simplement : énoncer les principaux attributs qui le distinguent.
Dans mon Livre Blanc sur la Prospective du Livre et de l’Edition, je propose la définition suivante : un livre numérique ou e-book est : « soit, la copie numérique exacte d'un ouvrage imprimé préexistant, soit, une œuvre originellement numérique dont au moins la moitié du contenu est constituée de textes. ».
Il ne s’agit bien évidemment que d’un modeste apport personnel, mais qui a au moins l’avantage je pense d’être véritablement, non pas une tentative de description exhaustive, d’explication, mais, bel et bien, une définition. J’en ai pesé et réfléchi chaque terme, et je me suis appliqué à en imaginer les diverses incidences interprétatives auxquelles elle pourrait donner lieu.
Ainsi la précision : “dont au moins la moitié du contenu est constituée de textes”, traduit-elle clairement le besoin que j’estime nécessaire aujourd’hui, en 2009, de continuer à pouvoir encore distinguer clairement les livres numériques des œuvres numériques.
Le livre numérique reste un bien matérialisable (enregistrement du fichier, impression partielle ou totale à la demande…) qui peut donc toujours être objet de possession et de droits.
Sinon, qu’est-ce qu’un livre, dans l’esprit de la majorité des lecteurs en ce début de 21e siècle ? Après la page 1, vient toujours la page 2, comme la 109 suit toujours la 108. Mais cela, je vous le dis, pourrait bien rapidement changer ;-)

dimanche 29 novembre 2009

Avenir du livre sur Linkedin

René Duringer de L’Observatoire des Tendances accueille depuis ce dimanche 29 novembre 2009 au sein « du groupe Chasseurs de tendances de Linkedin , un nouveau sous-groupe [a été] dédié aux nouvelles tendances, mutations en cours concernant les pratiques de lecture, l'édition et le marché du livre au 21ème siècle ! ... ». N’hésitez pas à venir y participer !

vendredi 27 novembre 2009

Nouveaux dispositifs de lecture au CRFJ de Lausanne

J'ai eu ces derniers jours le plaisir de pouvoir profiter un peu d'une ville que j'aime beaucoup : Lausanne. J'y suis en effet intervenu auprès de la section de formation continue du Centre Romand de Formation des Journalistes, pour une conférence sur le thème : Les nouveaux dispositifs de lecture et de diffusion pour la presse. État des lieux et perspectives...
L'occasion aussi de présenter à l'assistance les principaux readers disponibles en Europe ( L'Iliad Book Edition et le récent Digital Reader 1000S d'iRex Technologies (diffusés par 4DConcept), les PRS-505 de Sony (Portable Reader System) et le nouveau Sony Reader eBook Touch Edition PRS-600, le Kindle d'Amazon...). L'occasion également de donner quelques interviews aux médias suisses, notamment à Lucie Notari de LaTélé (Vaud Fribourg TV) et à l'équipe de “Le Nouvelliste”.
Ma conclusion ? Un séjour bref, mais agréable et fructueux :-)

lundi 23 novembre 2009

Des apports concrets de la Prospective de l'Edition

Quelques modes d’interventions possibles en prospective de l'édition, listés dans le Livre Blanc de la Prospective du Livre et de l'Edition :
 "• Diagnostic et développement des processus d'innovation latents (fonds, collections existantes, valorisation des projets déjà en cours, reprint à valeur ajoutée, livres enrichis...).
• Accompagnement de l'évolution des chaînes de valeurs du livre physique vers le livre numérique, en prenant en compte l'ensemble des postes concernés (conception/écriture, édition, promotion, diffusion/distribution).
• Création d'un système d'innovation (business development, structuration d'une offre commerciale innovante et de sa chaîne de valeur...).
• Sensibilisation et communication en interne (conférences privées, tables rondes, cellules de brainstorming et de scénarisation...).
• Pérennisation des avantages concurrentiels...
• Redynamisation de la chaîne de la valeur...
• Intégration des nouveaux usages et des nouvelles pratiques de lectures (gestion des UGC, User Generated Content = contenus produits par les lecteurs, gestion de communautés et/ou de blogs dédiés...).
• Préconisations et définition des objectifs : rédaction de cahiers des charges dédiés aux fournisseurs de nouvelles technologies...
• Veille stratégique / intelligence économique, benchmarking...
• Gestion de projet (accompagnement stratégique dans une migration numérique, notamment vers une édition Web pure player : développement d'une activité éditoriale de type Web 2.0 avec pour vocation de prendre position dans le secteur émergent de l'édition 2.0... Qualification des métadonnées liées aux livres numériques... Accompagnement migration Web 3D, notamment pour le e-commerce...).
• Intermédiation avec les fournisseurs de nouvelles technologies dédiées à l'édition (Logiciels de lecture, nouveaux dispositifs de lecture, POD...)"

vendredi 20 novembre 2009

Définir la prospective de l'édition


« La prospective est une réflexion pour éclairer l'action présente à la lumière des futurs possibles. », c'est cette définition de Michel Godet (De l'anticipation à l'action : manuel de prospective et de stratégie, Paris, Dunod éd., 1991, page 10) que je mets en exergue de mon Livre Blanc sur la Prospective du Livre et de l'Edition.
Tout au long je m'attache à donner des définitions précises pour éclairer en quoi la prospective, appliquée aux domaines du livre et de l'édition, peut constituer une discipline nouvelle, et ce qu'elle peut apporter, concrètement, à l'interprofession, dans la période de mutations (technique, numérique, économique, sociale...) que nous traversons.
J'y propose une définition claire de la prospective de l'édition :  "Nous pouvons définir la prospective de l’édition comme étant : la discipline qui s’applique à expliciter et à représenter les transformations et les nouvelles formes possibles d'organisations socio-économiques dans le secteur du livre et de son marché, afin d'y mettre en oeuvre des stratégies de développement.", et je formule entre autres huit propositions pour en favoriser l'essor :
"1 – La création de Commissions de la prospective, au sein du CNL (Centre national du livre), du SNE (Syndicat national de l’édition), du SLF (Syndicat de la librairie française) et de la SGDL (Société des gens de lettres), ainsi que des différentes instances régionales au service du livre et de sa diffusion.
2 – La désignation d’une Madame ou d’un Monsieur Prospective au sein des maisons d’édition.
3 – La prise en considération des spécificités de la prospective du livre et de la prospective de l'édition, notamment dans leur dimension transhistorique, par les structures possédant déjà un département R&D.
4 – L'enseignement de la prospective du livre et de la prospective de l'édition dans les formations aux différents métiers du livre et de l'édition, dans les établissements privés de communication, et dans les cursus de formation continue.
5 – L'organisation et la mise en oeuvre systématiques de méthodes d'observation, d'analyse et d'accompagnement de l'évolution des pratiques de lecture chez les jeunes lectorats natifs du numérique (manuels scolaires numériques, e-learning, serious games...).
6 – La valorisation des réseaux francophones consacrés à l'édition, aux livres et à la lecture, existants déjà sur le Web.
7 – Le traitement journalistique suivi et faisant appel à des experts, des questions et des enjeux de l'avenir du livre et de l'édition, dans les médias grand public (la presse écrite, autrement que par le biais d'informations ponctuelles “à sensations”, mais par des chroniques spécialisées ; la radio et la télévision, notamment du service public).
8 – La constitution d 'un Think Tank (groupe de réflexion), institution privée et publique, à la fois observatoire et comité d'éthique, regroupant les “insiders” de l'édition, de la prospective et de l'économie de la connaissance, et se saisissant de cette question essentielle en cette première moitié du 21e siècle : Où va la civilisation du livre ?"

jeudi 19 novembre 2009

Le livre média et industrie culturelle

Plusieurs points du récent Décret n° 2009-1393 du 11 novembre 2009, relatif aux missions et à l'organisation de l'administration centrale du ministère de la culture et de la communication, justifient, à mon sens, l’existence et la pertinence d’une véritable prospective du livre et de l’édition, et, notamment, confortent plusieurs des recommandations que j’ai formulées dans mon récent Livre Blanc sur la Prospective du Livre et de l’Edition.
Un vent nouveau souffle sur l’interprofession du livre et il va nous falloir avoir le pied marin. Le siècle ne fait que commencer !
Ci-dessous quelques extraits, les plus significatifs, concernant les différents secteurs du livre. (L’intégralité du décret est en ligne ici…).

Extraits du décret
« L'administration centrale du ministère chargé de la culture comprend […] la direction générale des médias et des industries culturelles. » (Article 1).
« La direction générale des médias et des industries culturelles définit, met en œuvre et évalue la politique de l'Etat en faveur du développement et du pluralisme des médias, de l'industrie publicitaire, de l'ensemble des services de communication au public par voie électronique, de l'industrie phonographique, du livre et de la lecture et de l'économie culturelle. Elle suit les activités du Centre national de la cinématographie. » (Article 5)
Suite de cet Article 5 : « Elle contribue aux travaux d'étude et d'évaluation économiques et de recherche, ainsi que de veille et d'expertise sur l'évolution des technologies numériques, dans son champ d'activités.
Elle veille à l'équilibre entre les différents acteurs qui interviennent dans le domaine du livre et, à ce titre, au développement de l'économie du livre, en France et à l'étranger. Elle favorise le développement de la lecture et procède à l'évaluation des politiques dans le domaine de la lecture publique. Elle contribue à la modernisation des bibliothèques et des médiathèques, et notamment au renforcement des réseaux et services de coopération, ainsi qu'à la formation de leurs personnels. Elle veille à la conservation, à l'enrichissement et à la valorisation du patrimoine des bibliothèques et des médiathèques. Elle exerce le contrôle technique de l'Etat sur les bibliothèques et les médiathèques des collectivités territoriales. » [...]
« En lien avec le secrétariat général, elle contribue à l'élaboration de la position française pour les négociations européennes et internationales touchant à la réglementation et à la régulation des médias, des industries culturelles, du livre et des services en ligne. »
Qu’on se le dise : « Dans tous les textes réglementaires en vigueur […] la référence à la direction du développement des médias et à la direction du livre et de la lecture est remplacée par la référence à la direction générale des médias et des industries culturelles… » (Article 8).

mercredi 18 novembre 2009

Avenir des métiers du livre et de l'édition

J'ai eu hier soir le plaisir de proposer à l'Association des professionnels de l'édition (A.P.E.), plus précisément, dans le cadre de son groupe de travail : Nouveaux supports -Edition numérique, quelques réflexions sur "L'avenir des métiers". Je les reprends ici dans le texte ci-dessous, afin de susciter commentaires et réactions, étant entendu qu'éditrices et éditeurs seront tous bienvenus au sein de cette association, en général, et de ce groupe, en particulier...

" Ce texte a pour vocation de proposer quelques pistes de réflexion autour de la question du devenir des métiers du livre et de l’édition, dans le contexte de l’arrivée sur le marché de nouveaux dispositifs de lecture.

Logiquement, les métiers qui seront les plus directement impactés seront ceux qui sont le plus dépendants pour leur exercice de la matérialité de l’objet livre.
Je les distingue dans le triptyque suivant :
I. Papetiers / imprimeurs
II. Diffuseurs / distributeurs
III. Libraires / bibliothécaires.
1 – Les papetiers et les imprimeurs
Même si le marché de l’impression n’est pas négligeable, il ne serait nullement indispensable à la survie de la filière papetière. Cette dernière développe depuis plusieurs années, d’une part, des efforts techniques et en termes de communication, concernant l’écobilan de sa production, d’autre part, en R&D, pour faire évoluer le “matériau papier” vers des “papiers intelligents” (notamment pour l’emballage des denrées alimentaires, et dans le secteur de l’hygiène – lingettes désinfectantes, mouchoirs en papier, etc.).
Les imprimeurs seront certainement dans une position plus délicate s’ils venaient à perdre les marchés de l’édition et de la presse écrite, dans un contexte où, en outre, la publicité non sollicitée qui encombre nos boîtes aux lettres est de moins en moins justifiable et efficace pour les annonceurs qui l’utilisent.
Dans un premier temps, les marchés émergents de l’autoédition (1,5 million de Français auraient un manuscrit dans leurs tiroirs, Le Monde des Livres du 12/11/09), et de l’impression à la demande (si les éditeurs développaient de véritables offres innovantes de livres personnalisables à la carte) pourraient retarder le déclin de l’imprimerie.
Le renouvellement du parc matériel et notamment pour l’impression numérique à la demande, a nécessité des investissements considérables dont l’amortissement serait compromis si le point de bascule de l’imprimé au numérique survenait à brève échéance.
Le travail de lobbying de la filière graphique (je pense notamment à la Fondation Culture Papier) s’explique, logiquement, par cette inquiétude légitime.
2 – Les diffuseurs et les distributeurs
Depuis le début des années 2000 la filière diffusion / distribution du livre prépare sa reconfiguration vers le tout numérique, les principaux acteurs étant détenus pas les grands groupes éditoriaux. Ces derniers cherchent à maintenir leur monopole vis-à-vis, d’une part, de l’ensemble de la profession (plusieurs milliers de maisons d’édition en comptant les indépendants), d’autre part, vis-à-vis des fournisseurs d’accès à Internet et des opérateurs de téléphonie mobile, qui cherchent eux à contrôler les flux numériques des biens et services culturels (musiques, vidéos, ebooks, etc.).
Dans cette optique, les grands groupes éditoriaux mettent en place de véritables plateformes de diffusion distribution de livres numériques.
Pour simple rappel, citons chronologiquement : le groupe Hachette Livre avec la plateforme Numilog (créée par Denis Zwirn et son équipe en 1999), le regroupement de Gallimard, La Martinière et Flammarion au sein de la plateforme Eden-Livres, le groupe Editis avec Média Participations via leur e-plateforme. Dans ce contexte des tensions et des crispations commencent à s’exprimer entre deux modèles : une plateforme unique regroupant les éditeurs français, ou, une multitude de circuits indépendants, reposant sur des modèles économiques différents. Ce conflit latent ne fait au fond que dupliquer sur les territoires numériques, la situation quasi-monopolistique qui s’est développée au cours du siècle précédent sur les territoires physiques, sur lesquels la mondialisation rendrait l’édition soluble dans des majors du divertissement.
Cela dit, concrètement, les entrepôts de stockage de livres papier seront remplacés par des datas centers, et les norias de camionnettes qui véhiculaient ces cartons de livres et d’invendus, par des câbles en fibres optiques. Mais attention. Tout cela n’a rien ni d’immatériel ni de gratuit !
Cette réorganisation représente d’importants investissements financiers, notamment en termes d’infrastructures, en logistique et en maintenance, et également en énergie (importante consommation électrique pour le fonctionnement et le refroidissement des centres de données) et donc, également en termes de développement durable.
3 – Les libraires et les bibliothécaires
Pour les libraires, d’une part, les structures matérielles des librairies (loyers, assurances et personnels rendus nécessaires par la gestion physique des livres et des lieux de vente) pèsent de plus en plus lourd, et, d’autre part, le commerce en ligne, et notamment celui des livres, se développe.
Les librairies risquent de connaître le même destin tragique que celui des disquaires, des photographes, des loueurs de vidéos : la disparition pure et simple.
Des libraires réagissent et cherchent à innover (je pense ici à : Bernard Strainchamps, weblibraire responsable de Bibliosurf, Joël Faucilhon avec Lekti-ecriture.com, Charles Kermarec de la Librairie Dialogues à Brest, d’autres certainement) et il serait bien d’écouter ce qu’ils auraient à nous dire de leurs expériences et de leurs besoins, en termes de mutualisation et de solidarité interprofessionnelles.
Équiper les librairies “brick and mortar” de dispositifs coûteux d’impression à la demande, ou de bornes de téléchargements de livres numériques (inutiles du moment que ces derniers sont déjà téléchargeables sur ordinateurs et smartphones) ne me semble personnellement pas réaliste.
Le Web, sur lequel décollent, lentement mais continument, les ventes de livres, sur lequel se développe la “longue traîne” de Chris Anderson, et sur lequel Amazon ou la Fnac.fr réalisent déjà de substantiels chiffres d’affaires, ce Web évolue lui aussi.
Nous allons vers un Web immersif. Les plus grandes marques travaillent déjà à la “virtualisation” de leurs espaces de vente. Il s’agit, dans un premier temps, de la modélisation en 3D des boutiques, avant d’intégrer, dans un second temps, des passerelles entre, boutiques en ville, et, boutiques en ligne. Essayage virtuel de vêtements ou de paires de lunettes par l’entremise d’un avatar présentant ses caractéristiques physiques et son propre visage, nouvelle génération de cabines d’essayage se réduisant à un “miroir magique”, tout cela se développe et arrivera au cours des prochaines années.
Les librairies doivent s’y préparer, elles aussi. Les nouvelles générations de lecteurs voudront pouvoir, à distance, accéder, non plus au fonds, mais aux conseils personnalisés de leur libraire préféré, feuilleter les livres à distance, accéder à des informations complémentaires, dialoguer par vidéo ou par le truchement d’un avatar avec le libraire, payer en ligne et avoir dans la minute accès au livre numérique ou au service sur leurs dispositifs de lectures nomades.
Si nous portons notre attention uniquement sur Second Life, nous remarquons déjà la présence de nombreuses bibliothèques, dont celles des principales universités américaines, ainsi que des tests de dispositifs de lecture innovants. Plusieurs îles anglo-saxonnes de cet univers virtuel sont dédiées aux livres, et notamment une pour les développeurs d’Amazon. Des manifestations littéraires, des conférences d’auteurs au lancement du reader de Sony dans l’espace d’exposition de l’éditeur Ramdom House, et quelques initiatives pédagogiques (avec de premières expériences d’immersion de jeunes lecteurs dans des univers romanesques) y ont régulièrement lieu. Cet univers, maladroitement baptisé du qualificatif de virtuel, est imparfait et abscons pour le grand public, mais c’est un laboratoire de ce que sera un jour le Web.
Nous en venons donc enfin ainsi aux bibliothécaires. Depuis quelques années des bibliothèques ont testé le prêt de nouveaux dispositifs de lecture. Notamment la bibliothèque universitaire d’Angers, grâce à Daniel Bourrion, la bibliothèque municipale de Boulogne-Billancourt, grâce à Alain Patez, prochainement la BPI… A mon sens les conclusions ne sont guère concluantes. En février 2010 normalement, la Bibliothèque nationale de France devrait ouvrir un espace permanent sur les futures technologies de lecture, baptisé Labo BnF, et qu’elle définit ainsi : « lieu expérimental de présentation des nouvelles technologies d’écriture et de lecture. Papier électronique communicant, consoles de poches, dispositifs de réalité augmentée […] aussi lieu de réflexion sur la mutation des métiers du livre, les médias numériques… ».
Je pense que durant ce 21e siècle les bibliothèques vont évoluer sur le modèle suivant : d'une part, la bibliothèque-médiathèque physique, "brick and mortar", laquelle sera en permanence couplée par des systèmes de réalité augmentée au réseau des autres bibliothèques sur toute la surface de la Terre, et, d'autre part, sera également couplée en temps réel à son propre double "pure player", dans ce futur Web 3D immersif que j’évoquais pour les librairies. Les deux, la bibliothèque physique, et, la bibliothèque, entre guillemets, "virtuelle", seront interfacées par ce que nous appelons aujourd'hui la "bibliothèque numérique", c'est-à-dire les fonds numérisés.
Il serait intéressant de savoir ce qu’en pensent les bibliothécaires, alors que l’entreprise planétaire de Google Books s’étend et que peinent à se développer, tant le projet Europeana, que celui de la Bibliothèque Numérique Mondiale de l’Unesco.
Avec le numérique, le mythe d’une bibliothèque universelle renaît, le grand rêve d’Alexandrie et celui, plus inquiétant, de la Bibliothèque de Babel prophétisée en 1941 par Borges, comme, en somme, une vision annonciatrice des datas centers de Google, d’Amazon et d’Apple. Or, il ne s’agit là aucunement de bibliothèques. Et pourquoi ? Parce qu’une bibliothèque numérique ne doit pas, à l’évidence, se limiter à un service de recherche de livres du type Google Book Search.
Concernant les libraires et les bibliothécaires, il y a une chose importante que je voudrais rappeler : les internautes sont des êtres humains, ce sont nous, ce sont nos proches, et plutôt qu’avec des algorithmes nous préfèrerons toujours avoir un dialogue avec un vrai libraire, avec un vrai bibliothécaire. Le besoin d'une relation humaine restera très probablement prépondérant dans les médiations du livre, que ce type de relation s'établisse par textes brefs, comme aujourd'hui les tweets, ou, demain, par le truchement d'un représentant numérique, des avatars à son image, ou, un jour, pourquoi pas, par téléportations holographiques (?).
Mais encore faut-il que libraires et bibliothécaires investissent aujourd’hui l’avenir de leurs métiers dans ce nouvel ouest des nouveaux territoires numériques.
En conclusion, je dirai simplement que l’existence de ce groupe et de ce sous-groupe au sein de l’Association des Professionnels de l’Edition est justifiée et pertinente."