lundi 25 janvier 2010

Ruptures et continuités générationnelles en prospective du livre et de l’édition

Les époques à mutations rapides, c’est connu, génèrent des sociétés “fragmentées”, au sein desquelles les changements se diffusent de façon asynchrone.

Sur ces années charnières du 20e/21e siècle, que nous traversons, les effets de l’essor technologique (notamment avec les (n)TIC), puis, de la financiarisation de l’économie (qui a impacté les maisons d’édition et la diffusion-distribution du livre), ces effets sont aujourd’hui indéniables.

Concernant le monde du livre et de l’édition, je distingue des mutations à plusieurs niveaux :
- Au niveau des pratiques de lecture (et d’écriture) et de leurs usages (qui ont évolué sous l’influence du Web 2.0 puis des smartphones, et ce, pas seulement pour les natifs du numérique…)
- Au niveau des dispositifs de lecture (avec une offre de plus en plus large de terminaux de lecture nomade, des tablettes e-ink/e-paper du type e-reader Kindle d'Amazon, à l'iPad d'Apple…)
- Au niveau du marché du livre (avec notamment la reconfiguration en cours des circuits de diffusion-distribution…)
- Au niveau de la langue (avec les impacts à venir du programme de numérisation de Google, le développement du e-commerce du livre avec Amazon et Apple, face à de jeunes générations de plus en plus anglophones…).

Je liste ces mutations dans leur ordre “d’entrée en scène”, entre guillemets, et, face à elles, je pense qu’il serait peut-être pertinent de prendre en considération certaines ruptures et continuités générationnelles.
Dans une première approche, qui reste à affiner, nous pourrions distinguer (et légitimement prévoir à moyen terme) :
- Un changement naturel des générations de lectrices et lecteurs directement influencées par les mutations ci-avant listées…
- Un changement naturel des générations d’étudiantes d’étudiants aux formations aux métiers du livre et de l’édition, puis, un renouvellement générationnel (plus lent) des enseignants.
- L’arrivée de nouveaux jeunes professionnels au sein des maisons d’édition notamment, et la création, face aux maisons entre guillemets “historiques”, de start-up d’édition “pure player“ (nous en voyons déjà quelques-unes depuis le débarquement du iPhone comme terminal de lecture…).

Ces changements sont naturels et, naturellement, ils sont actuellement en cours. Je le constate régulièrement à mon niveau avec les nombreuses étudiantes et les étudiants qui me contactent spontanément.
En la pondérant avec les différences au niveau de leurs objectifs et de leur ancienneté, une étude comparative des profils des membres de l’Association des professionnels de l’édition (APE), et, de ceux du Syndicat national de l’édition (SNE), serait également peut-être éclairante ( ?).
Au niveau des lectorats, nous pouvons penser que les lecteurs qui ont aujourd’hui une trentaine d’année, et qui ont fait leurs apprentissages et leurs débuts de lecteurs sur des livres papier imprimés, resteront, au moins en partie, attachés à cette interface de lecture durant leur vie (c’est-à-dire une cinquantaine d’années en moyenne si l’on fixe l’espérance de vie à 80 ans). Ce marché, cumulable (et/ou qui recoupe partiellement ou totalement ?) celui de l’impression à la demande, n’est pas à négliger pour les papetiers et les imprimeurs.
Les ruptures générationnelles que nous pourrions discerner a posteriori, et qui seraient la résultante des mutations combinées que j’ai précédemment listées, s’opèreront, je pense, dans le fil de la continuité générationnelle naturelle.

Les industries graphiques devraient aussi je pense, prendre davantage en compte dans leurs stratégies de développement, une nouvelle génération d’entreprises : Google (société fondée en septembre 1998), Amazon (fondée en juillet 1995), Apple (fondée en avril 1976), multinationales qui n’existaient pas il y a seulement une quarantaine d’années (et une quinzaine dans le cas de Google !), et qui sont toutes par ailleurs de culture et de langue anglo-saxonnes. (Comme le sont également la grande majorité des sociétés qui développent de nouveaux dispositifs de lecture.)
Bien évidemment les professionnels des industries graphiques n’ont pas attendu la publication de ces lignes pour connaître et se soucier de l’existence de ces nouvelles entreprises. Mais, si elles s’y intéressent en termes de marchés et de technologies, ont-elles introduit dans leurs réflexions stratégiques cette dimension prospective ?
Selon moi les ruptures et les continuités générationnelles sont à prendre en considération, dans le cadre de la prospective du livre et de l’édition, dans le sens où les principaux enjeux ne sont ni financiers ni technologiques, mais : humains et culturels. (Principale raison, peut-être, pour laquelle la prospective du livre et de l’édition serait snobée par les acteurs du marché du livre ?)

Les enjeux sont d'abord humains, car l’économie actuelle du livre est intégralement basée sur la matérialité physique du livre papier relié et imprimé, que c’est là un secteur capital de l'industrie et de l'économie culturelles de notre pays et que des milliers d'emplois sont en jeu. De ce point de vue, il est légitime que les syndicats et les organisations professionnelles fassent ce qui n’est au fond que leur devoir. Mais il serait surtout urgent d’adapter la formation continue des professionnels d’aujourd’hui, et les formations en cours de ceux de demain.
Les enjeux sont également culturels, car le découplage des contenus et des supports, le développement d'une diffusion multicanal multisupport, posent des questions multiples et complexes, comme celles de la conservation du patrimoine écrit, de la sauvegarde des données, de l’intégrité des œuvres littéraires, des facultés d’attention et de mémorisation des lecteurs, etc.
Au terme de quelques générations, la lecture pourrait muter, et engendrer des bouleversements dans la culture et la pensée occidentales, aussi conséquents que lors du passage de la lecture à haute voix à la lecture silencieuse.

Je pense que deux mouvements de fond devraient émerger plus distinctement, se rencontrer, puis s'épauler l'un l'autre.
- Premier mouvement = de nouveaux entrants extérieurs, étrangers au milieu du livre, vont venir bousculer les pratiques et le marché.
- Deuxième mouvement = au sein même des métiers traditionnels du livre, le renouvellement des générations va doper l'interprofession de l'intérieur.
Les crispations que nous commençons à ressentir dans le climat social de l’édition et du marché du livre, ne viennent pas seulement de la crise économique et du passage (partiel, total ?) de l’imprimé au numérique, mais viennent, en partie au moins, de l'asynchronisme de ces deux mouvements. Le premier est rapide, boosté par Google, Amazon… Le second est beaucoup plus lent, ralenti par de vieux réflexes corporatistes.
D’où l’utilité qu’il y aurait peut-être à prendre davantage en considération, dans le cadre d’une démarche prospective, les ruptures et les continuités générationnelles.

N.B. : Il ne s’agit ici que d’une première approche sans prétention de ces questions, de quelques réflexions appelant le partage. Si vous réfléchissez ou travaillez sur ces sujets de sociologie de l’innovation, de ruptures et de continuités générationnelles par rapport à la lecture, au livre et à son marché, n’hésitez pas à me contacter. Il y aurait alors de grandes chances que vos travaux m’intéressent ;-)

[Illustration : “Internet est important pour se sentir intégré dans notre société” – Source : La diffusion des TIC dans la société française La Génération Y – Julien Pouget.]

vendredi 22 janvier 2010

Le spectre d’une troïka Amazon-Google-Apple ?

Dans un secteur économique en pleine mutation, avec, d’une part, des innovations technologiques disruptives, d’autre part, l’arrivée de nouveaux concurrents avec des cultures d’entreprises et des intérêts financiers différents qui tendent à une reconfiguration de la diffusion-distribution des livres, et avec, à l’horizon, le spectre d’une troïka Amazon-Google-Apple, les professionnels du livre et de l’édition, notamment francophones, ont intérêt à faire preuve d’intelligence… économique.

Un spectre n’a heureusement pas vocation à s’incarner dans la réalité. Mais la peur qu’il suscite peut déclencher des réactions inappropriées, une suractivité désordonnée, voire carrément de la panique, tout aussi bien qu’une totale paralysie.
Dans ce contexte, où les pouvoirs publics calment le jeu en promettant des subventions alimentées d’emprunts et de taxes nouvelles, voire de nouvelles lois et réglementations (comme quoi le qualificatif de “nouvelles” ne s’applique pas forcément à des nouveautés), et où, de plus, le lobbying devient la recette des arrière-cuisines, les professionnels du livre et de l’édition, notamment francophones, auraient intérêt, à défaut d'ouvrir leurs portes, d'ouvrir les fenêtres pour respirer un peu l’air frais du siècle.

« Tout va très bien madame la marquise »

Pour être assuré de posséder un avantage compétitif décisif, le décideur doit pouvoir bénéficier au bon moment de l’information stratégique qui répond précisément à ses besoins.

Aujourd’hui, même si tout Saint-Germain-des-Prés entonnait en chœur : « Tout va très bien madame la marquise », tout n’irait cependant pas mieux ;-)

Le simple suivi du flux continu d’informations, la consultation des sources ouvertes disponibles, une “veille maison” aux interprétations soumises aux variations climatiques internes (climat social de l’entreprise, tensions salariales…) ne peuvent suffire en situation de crise.
Le renseignement qui fait sens, qui favorise l’orientation et les indications précises, par rapport aux données brutes, est logiquement plus productif qu’un simple traitement automatisé de l’information ouverte, soumis ensuite à un brainstorming en interne. Ce renseignement, souvent directement ou indirectement de source humaine, n’est pertinent que s’il n’émane pas de sa mare ou de sa propre basse-cour, mais s’il vient de l’extérieur, d’une écoute attentive des échanges sur les réseaux, et s’il fait l’objet d’un traitement et d’un signalement à court terme.

La veille stratégique (technologique, concurrentielle, etc.) et la recherche documentaire dédiée (veille juridique, benchmark…) d’informations ouvertes, doivent ainsi s’armer d’une phase complémentaire d’investigation, qui se décompose en plusieurs étapes :
=> Détection et écoute
=> Traitement
=> Analyse
=> Interprétation
=> Synthèse des renseignements obtenus, le tout pour déboucher sur une reformulation opérationnelle en termes de :
- prises de décisions et de conduites de projets,
- anticipation et maîtrise des risques.

P.L.E. Consulting se met au service des acteurs de l’interprofession du livre, pour leur proposer de telles prestations dédiées, d’aides à la prise de décision et à la conduite de projets innovants, d’anticipation et de maîtrise des risques, adaptées au contexte et aux problématiques actuelles de leurs métiers.
Sur simple demande, et après un ou deux rendez-vous indispensables d’évaluation de vos besoins réels, P.L.E. Consulting vous adressera, gracieusement et sans aucun engagement de votre part, une proposition détaillée, argumentée et chiffrée.

mardi 19 janvier 2010

Innovation en prospective de l’édition dans une perspective transhistorique

L’actuelle reconfiguration de la chaîne du livre montre clairement que nous sommes face à une remise en question de l'univers de l'imprimé et de sa chaîne de valeur. Un autre écosystème du livre, un écosystème qui serait plus ouvert et plastique (fluide, liquide, diraient certains ;-) est à inventer, qui permette l'élaboration de modèles économiques innovants, adaptés aux évolutions des lectorats et aux changements générationnels, adaptés au passage des livres et de leurs marchés à une nouvelle économie.

C'est précisément là le principal objectif de la prospective de l'édition et de sa méthodologie pour intégrer l'innovation au cœur de l'interprofession du livre.
L'innovation opère à plusieurs niveaux. A l'instar de l’historien Frédéric Barbier dans son Histoire du livre (Armand Colin éd., 2e édition, 2009), dont je recommande chaleureusement… la lecture ;-) je distinguerais :

  • L'innovation de procédé (que j'appellerais : technologique)

  • L'innovation organisationnelle (que j'appellerais : structurelle)

  • L'innovation de produit (que j'appellerais : d'interface).
« Le processus d'innovation forme un tout à partir duquel se réorganise le système-livre dans son ensemble et dont la typologie regroupe trois logiques distinctes... », note Frédéric Barbier, au sujet de la seconde révolution du livre : la révolution industrielle.

Considérant qu'avec la révolution numérique nous pouvons raisonnablement bien parler d'une troisième révolution du livre, je propose aujourd'hui de calquer cette méthodologie, afin d'œuvrer de nouveau, à une nouvelle réorganisation du système-livre, dans son ensemble, et en y développant un véritable processus d'innovation en tenant compte des enseignements de l’histoire du livre :
« L'innovation de procédé porte sur les innovations techniques […] Elle s'articule immédiatement avec l'innovation organisationnelle, qui s'attache aux transformations structurelles induites par le passage à l'industrialisation [en 2010 : à la numérisation] : nouvel espace de production, nouvelles pratiques de travail, mais aussi transformation de la fonction éditoriale et nouvelles logiques de diffusion. Ces changements ne peuvent être validés que par la sanction financière (il faut qu'ils soient financièrement viables), autrement dit par la sanction des marchés : d'où l'importance du concept d'innovation de produit, qui décrit ces objets nouveaux créés par les éditeurs et les imprimeurs industriels et que ceux-ci pensent susceptibles d'apporter des rentrées financières plus importantes et de soutenir l'expansion. » (Source : Frédéric Barbier, Histoire du livre, Armand Colin éd., 2e édition, 2009, p. 277).

vendredi 15 janvier 2010

Un Consumer Electronic Show décevant pour l’édition

Le récent Consumer Electronic Show de Las Vegas ce sera finalement révélé décevant en ce qui concerne le marché émergent des nouveaux dispositifs de lecture. (Il fallait s’y attendre et personnellement je m’y attendais.)

Certes, l’offre d’e-readers est de plus en plus étendue (l’eBook Reader Matrix en donne un bon aperçu), mais elle aligne depuis quelques années déjà, la même pauvreté d’appareils encore décevants, tant pour les lecteurs amoureux de livres papier, que pour les lecteurs technophiles, avec des designs et des interfaces utilisateurs entretenant la frustration (sentiment de frustration qui contribuera par ailleurs à motiver l’achat des versions ultérieures…).
Olivier Ezratty, conseil en stratégies de l’innovation, qui depuis 2006 nous délivre tous les ans un très complet “Rapport de visite du CES“ (à paraître prochainement celui de 2010), constate avec pertinence pour cette année dans ses “Premières impressions du CES” : « Une pléthore d’ebooks, tous ou presque basés sur la même technologie d’écrans e-ink, mais avec une interface utilisateur encore décevante. Avec un marché certes en forte croissance, poussé par Amazon et son Kindle, mais qui se contente d’une certaine forme de médiocrité en attendant d’être secoué par l’arrivée de la tablette d’Apple qui fera probablement aux ebooks ce qu’il a fait aux smartphones : redéfinir la norme de qualité attendue par les consommateurs. » [Source].
 Ces fameuses tablettes tactiles et multimédias, d’Apple ou d’autres, et qui concurrenceront de plein fouet les readers e-paper, pourraient en effet séduire le grand public et emporter le gros du marché des livres et de la presse numériques.
Il faut cependant relever que les nouveaux dispositifs de lecture évolueraient alors ainsi vers du high-tech, alors que la lecture, en tant qu’activité de déchiffrage, de réflexion et de maturation, demanderait du low-tech pour pouvoir s’exprimer à son rythme (en tous cas une meilleure prise en charge des spécificités des i2L, interfaces Lecteurs/Livres).
Quels décodages du monde, quels décryptages les écrans rendent-ils possibles ? Et/ou induisent-ils ? Quelles lecture ? Et par rapport au papier ? Quid d’une “hyper-lecture” multimédia zappée et surfée sur ces tablettes tactiles ? Même si le logo était une petite pomme, des questions se posent.

C’est quoi un lecteur ?

Un lecteur est une personne qui lit. Lire, c’est : « Reconnaître les signes graphiques d'une langue, former mentalement ou à voix haute les sons que ces signes ou leurs combinaisons représentent et leur associer un sens. » (Larousse). Cette reconnaissance et ce déchiffrement, sont forcément liés à un apprentissage spécifique, à une culture, avec son histoire, son patrimoine et sa langue, et ce “faire sens” est au centre de l’activité de lecture.
Il est évident que les exposants du Consumer Electronic Show de Las Vegas ont d’autres préoccupations. Logique. Cela dit, les machines à lire qu’ils mettent sur le marché vont inévitablement influer et orienter l’évolution des pratiques de lecture dans les décennies à venir. (Appeler “liseuses” de tels appareils aura contribué en France à alimenter la confusion.)
Nonobstant, force est d’observer qu’il n’y a ces derniers mois pratiquement pas une semaine sans que le Web se fasse l’écho du buzz du lancement d’un nouveau reader. Le marché des nouveaux dispositifs de lecture va probablement suivre une courbe d’évolution similaire à celle des téléphones portables : un besoin défini depuis un certain temps et qui murit, une technologie qui évolue, l’arrivée progressive puis exponentielle sur le marché d’une gamme d’appareils et de services conçus pour devenir obsolètes en quelques mois. Et comme nous avons tous aujourd’hui un téléphone mobile, nous aurons tous demain un appareil à lire, avec ses formules d’abonnements et sa lecture en modes audio et streaming (c’est-à-dire en diffusion en mode continu, sans téléchargement). Et peut-être même, aux dires de certains, que smartphones et e-readers pourraient bien ne faire qu’un au final (nous en avons un avant goût avec l’iPhone).
Dans ce contexte, la problématique n’est pas seulement celle de l’évolution des pratiques de lecture, mais peut-être, au-delà, de la survivance de la lecture (comme activité de lire) à une mutation des livres qui s’apparente de plus en plus à une robotisation (la machine connectée lit pour le lecteur et externalise sa mémoire ; en poussant le curseur de la prospective sur le plus long terme, et compte tenu des avancées rapides des biotechnologies, pourquoi ne pas imaginer alors carrément un jour des lecteurs qui deviennent livres et vice-versa : une (con)fusion livre/lecteur !).
Déjà, pour les jeunes générations, le terme “lecteur” désigne de moins en moins souvent une personne qui lit, et, de plus en plus fréquemment, un appareil qui déchiffre (lecteur MP3, lecteur DVD, e-reader, et tutti quanti).
Notons au passage que les lecteurs MP3 marquent un net recul de la qualité d’écoute. Alors, quid, au cours du siècle, de la qualité de lecture ?
La question, selon moi, pour moi, se pose. Et les réponses, à mon avis, ne doivent pas être laissées à Google, à Amazon, aux fabricants de lecteurs (sic ;-( aux lobbyistes et aux contrôleurs de gestion. Ce sont aux acteurs, de ce qui est encore quelque part la “chaîne du livre”, ceux que j’appelle fréquemment : les acteurs de l’interprofession du livre, des auteurs aux libraires, en passant, bien évidemment, par les éditeurs, de répondre.
Ce serait à eux d’apporter des réponses, notamment en innovant : en développant au cœur de leurs pratiques les processus d'innovation latents, en concevant de nouvelles offres éditoriales innovantes avec leurs propres chaînes de valeur, en pérennisant leurs avantages concurrentiels acquis, en réponse aux hégémonies technicistes. La tâche est immense, la responsabilité est grande au regard de l’Histoire : du passé, et, de l’à venir.
[N.B. © Photo Olivier Ezratty / CES 2010]

lundi 11 janvier 2010

Professionnels du livre : anticipez les évolutions et les innovations !

Dans un secteur économique en pleine mutation, avec, d’une part, des innovations technologiques disruptives, et, d’autre part, l’arrivée de nouveaux concurrents, venus d’horizons divers (informatique, Web, opérateurs de téléphonie mobile, moteurs de recherche, géants du commerce en ligne, etc. ;-) et avec des cultures d’entreprises différentes de celles des métiers du livre, la mise en œuvre d’une veille stratégique dédiée est aujourd’hui vitale pour toute entreprise d’édition qui souhaite pérenniser et développer son activité.

Cette veille d’entreprise peut prendre différents aspects, souvent complémentaires, mais qu’il convient cependant de bien distinguer à la source afin de conserver à la veille une réelle efficacité et des applications pratiques, concrètes pour le développement de l’entreprise concernée.

Nous pouvons distinguer ainsi principalement :
- La veille technologique ou stratégique
- La veille sectorielle
- La veille concurrentielle et benchmarking.

L’objectif premier d’une veille est de permettre l’anticipation par les décideurs des évolutions et des innovations à court et moyen termes. Et c’est seulement en ce sens qu’une telle démarche trouve logiquement son utilité dans une approche prospectiviste.

Concrètement un travail de veille stratégique consiste : d’une part, à repérer les tendances émergentes (tant au niveau technologique que concurrentiel et sociétal, et en prenant garde à bien distinguer ce qui relève de trends de longue durée – tendances fortes du marché, de ce qui relèverait de mouvements purement conjoncturels, ou d'effets de modes passagers), et, d’autre part, à détecter les signaux faibles, qui doivent faire l'objet d'une écoute anticipative, dans le but de diminuer l'incertitude et de saisir des opportunités.
La finalité est d’apporter des réponses opérationnelles qui puissent aider à la prise de décisions adaptées.
Pour être pertinente, une veille doit impérativement être complétée, enrichie, recoupée et vérifiée, et enfin mise en perspective, à partir, d’une part, de l’expertise du veilleur par rapport à la sphère sectorielle concernée, et, d’autre part, de ses propres réseaux et de son “carnet d'adresses”. Dans un tel contexte, le nombre de sources surveillées n’est pas significatif, et peut aller de quelques-unes seulement à plusieurs centaines.
En aucun cas une veille stratégique ne peut se limiter à une simple collecte de données et à leur mise à disposition, ou à leur simple restitution sous la forme d’une synthèse. L’agrégation automatisée des flux RSS des blogs et la consultation, même régulière, des informations publiques du Web, ne peuvent suffire.

Actuellement, sur ces questions importantes de l'avenir du livre et de son marché, de l'édition et des pratiques de lecture, les acteurs de l’interprofession du livre sont submergés par une masse d’informations redondantes, émanant généralement de blogueurs, dont la majorité se contente souvent en fait de relayer et de commenter l’innovation outre-Atlantique.
Or, les professionnels du livre français ont besoin aujourd'hui d’une information réfléchie, structurée et mise en perspective. Ils ont besoin d’analyses ciblées, leur permettant de pouvoir enrichir leurs points de vue des opinions et des expériences d'autres acteurs du livre, notamment numérique, et leur permettant surtout de pouvoir prendre les bonnes décisions, en toute connaissance de causes, aux bons moments.

Aussi P.L.E. Consulting se met-il au service des acteurs de l’interprofession du livre pour leur proposer des services dédiés de veille, adaptés à leurs contextes, à leurs problématiques et à leurs budgets.
Sur simple demande détaillée, et si possible après un rendez-vous d’évaluation de vos besoins, P.L.E. Consulting vous adressera, gracieusement et sans aucun engagement de votre part, une proposition détaillée et chiffrée pour mettre en place une activité de veille stratégique, personnalisée à vos besoins et à vos projets de développement.

N.B. Le texte du billet ci-dessus est extrait et adapté du Livre Blanc sur la Prospective du Livre et de l’Edition.

samedi 9 janvier 2010

Ceux du papier et ceux du papiel…

Le flirt compliqué entre le monde des livres et celui du numérique ne date pas d’aujourd’hui. Ni même d’hier. Comme j’aime à le rappeler dans mes conférences, le “Project Gutenberg” de diffusion de livres du domaine public sous forme électronique, lancé par Michael Hart, date de juillet 1971 (Université d’Illinois), et l’idée d’un livre électronique (e-reader) de 1972 (Alan Kay au Palo Alto Research Center de Xerox).

Il était inévitable que ce phénomène arrive un jour à maturité et prenne suffisamment d’ampleur Outre-Atlantique pour débarquer sur les rivages de notre vieille Europe et de notre douce France. Et voilà : aujourd’hui c’est fait, nous y sommes !

Après la prise de conscience passer à l’action…

Après la progressive prise de conscience de l’interprofession du livre, depuis le début des années 2000, c’est maintenant le branle-bas de combat : les pouvoirs publics se mobiliseraient pour un alignement de la TVA du livre numérique à 19,6% sur celle du livre papier à 5,5%, seraient prêts à légiférer pour un prix unique du livre numérique (c’est-à-dire un prix de vente public fixé par les éditeurs et non les distributeurs), encourageraient la constitution d’une plateforme unique de distribution des livres numériques, et, en attendant, distribuent des millions d’euros pour la numérisation des livres papier, tant du domaine public que pour ceux encore sous droit. (Mes posts de ce début janvier reviennent plus en détails sur ces multiples aspects…)
Mais les réactions sont partagées. Pour certains une unique plateforme de distribution est contraire à une libre concurrence. Pour certains, aligner la TVA du livre numérique sur celle du livre papier reviendrait à tuer la librairie. Une pétition, lancée par les Librairies Coquillettes, de Lyon, pour que le livre soit considéré comme un produit de première nécessité, propose du coup une TVA pour le livre papier à 2,1% ;-)
De mon travail quotidien de veille, non pas seulement “en ligne” devant l’écran de mon ordinateur, mais aussi par de fréquentes rencontres avec différents acteurs de l’interprofession du livre, et, du livre numérique, je ressens nettement que la situation se tend et que, face à l’avenir, l’inquiétude prime sur l’enthousiasme.
Compréhensible, le lancement de l’Association Culture Papier, qui se pose clairement en groupe de pression, risque d’exacerber les tensions.
Les enjeux en termes d’emplois sont considérables. La poussée des jeunes générations aussi. (Et pas seulement au niveau des nouvelles pratiques de lecture, mais, également, au sein des filières de formation. Je le constate régulièrement avec les nombreux étudiantes et étudiants qui me contactent spontanément…)
Aujourd’hui la question se pose : culture de l’imprimé et culture numérique ne peuvent-elles se concevoir qu’en opposition ?

Construire ensemble…

Pour l’heure, c’est au détriment des livres numériques (j’entends par là des livres du 21e siècle, des livres 2.0, libres, ouverts, collaboratifs, enrichis par tous, des livres vivant, des livres service (sic ;-) qui se développeraient et s’exprimeraient dans l’esprit participatif initié, insufflé, par le Web 2.0...), c’est donc pour l’heure au détriment de tels livres numériques encore à venir, que se développent aujourd’hui, d’une part, les livres électroniques (readers, liseuses et compagnie, dont la cuvée 2010 du Consumer Electronic Show de Las Vegas a été riche), et, d’autre part, que se développent les livres numérisés homothétiques, pâles reflets de leurs originaux imprimés.
Sans faire d’angélisme et ayant conscience des enjeux économiques, je ne pense pas qu'il faille forcément opposer ainsi filière papier et filière papiel (papier électronique). Les tensions qui se font de plus en plus sentir ne sont que les expressions d'intérêts financiers, de part et d'autre, mais, si nous considérons les vrais enjeux pour le livre, la lecture et la création littéraire, à la fois dans une dimension transhistorique et prospective, alors c'est main dans la main, ceux du papier et ceux du papiel, et ce, quel que soit le support de demain et d'après-demain, qu'il nous faudrait aujourd'hui réfléchir et travailler ensemble.

Comment faire ?

Je redis ici qu’il est à mon avis dommage que le Secrétariat d'État chargée de la Prospective et du Développement de l'économie numérique auprès du Premier ministre, actuellement piloté par Nathalie Kosciusko-Morizet, ne prenne pas la main sur ce qui concerne les dimensions prospectives du livre et des pratiques d’écriture et de lecture.
Les pouvoirs publics seraient en outre à mon avis bien inspirés de lancer un Think Tank (groupe de réflexion), qui pourrait être à la fois un observatoire et un comité d'éthique, regroupant les “insiders” de l'édition papier et de l’édition numérique, des experts de la prospective et de l'économie de la connaissance.
D’une manière générale il est capital de créer des espaces de médiation entre les acteurs de la culture imprimée et ceux de la culture numérique. Pour l’heure, l’Association des Professionnels de l’Edition (APE), ou le MOTif (Observatoire du livre et de l’écrit en Île-de-France) organisme associé de la Région Île-de-France, y contribuent modestement à leurs niveaux et avec leurs moyens.

L’édition papier doit aujourd'hui éviter deux écueils :
1. Tout d'abord, son phagocytage par d'autres industries, notamment du numérique, du divertissement, des médias…
2. Ensuite, une crispation conservatrice, qui la figerait et la conduirait à son évincement du champ médiatique et culturel.
 
Il est pourtant toujours possible je pense de développer des processus d'innovation latents, de revaloriser les fonds éditoriaux, de concevoir de nouvelles offres éditoriales innovantes avec leurs propres chaînes de valeur, de pérenniser ses avantages concurrentiels acquis tout en redynamisant sa production éditoriale.

Il est aujourd’hui évident que la France, l’édition et la littérature d’expression francophone, ne peuvent rester en retrait de la révolution culturelle numérique. Cela est tout simplement im-po-ssi-ble ! Maintenant il nous appartient de nous adapter et d’évoluer au mieux tout en préservant les valeurs qui fondent notre culture humaniste.
Au cours des années à venir la France n’aura ni la puissance économique, ni les capacités technologiques, de concurrencer les États-Unis et les puissances asiatiques, tant pour les nouveaux dispositifs de lecture que pour le contrôle des canaux de diffusion multicanal multisupport. Mais si elle affirmait effectivement une réelle volonté politique, et si cette volonté politique était soutenue sur le terrain par l’interprofession du livre, si elle s’appuyait sur la francophonie (gravement négligée pour l’instant !) et sur l’ensemble des partenaires de la chaîne graphique, alors, nous pourrions rester dans la course en initiant, tous ensemble, ceux du papier et ceux du papiel, les modèles éditoriaux du 21e siècle.

vendredi 8 janvier 2010

Le marché du livre numérique devrait se structurer en 2010

A l’occasion des vœux présidentiels aux acteurs de la culture, Nicolas Sarkozy a annoncé, ce 07 janvier 2010 à la Cité de la musique (Paris) un « dégel total » du budget du ministère de la Culture. Il est également revenu, pour les soutenir, sur les principaux points exposés dans le Rapport Création et Internet de la mission Zelnik, que nous avons ici relayé [post Les trois points concernant le livre dans le Rapport Création et Internet].

« En ce qui concerne le secteur du livre, [Nicolas Sarkozy] s'est prononcé en faveur de la transposition du prix unique et du taux réduit de TVA dans l'univers numérique. « Je voudrais qu'on m'explique au nom de quoi le livre est taxé à 5,5% dans l'univers physique et à 19,6% sur internet », a-t-il souligné. », nous nous posions en effet la question ;-)  et il a également approuvé : « que les auteurs du rapport « proposent à juste titre de solliciter un avis de l'Autorité de la concurrence sur l'éventuelle position dominante acquise par Google sur le marché de la publicité en ligne ». Il a aussi invité « le ministère des Finances à lancer au plus vite une expertise pour appréhender fiscalement les activités publicitaires des grands portails et moteurs de recherche internationaux présents en France… » [Source Livres Hebdo]

L'édition numérique en équation

Il ressort clairement de ce tir groupé : vœux présidentiels / allocutions de Frédéric Mitterrand / Rapport Création et Internet / Rapport Tessier (remise prochaine), que l’édition numérique devrait se structurer au cours de cette année 2010, ce que nous pourrions nous amuser à formuler de la façon suivante :
Marché du Livre Numérique, “MLN = TVA réduite + Prix Unique + (“Taxe Google”?) x [Aides à la numérisation (Domaine public + Livres sous droits) + Plateforme de distribution unique (?)] x Explosion de l’offre de nouveaux dispositifs de lecture = X” ;-)
A suivre...