jeudi 15 juillet 2010

Avec le numérique une lecture pornographique envahirait le champ éditorial

J’appelle pornographie une saturation du regard, qui voit, ou, qui lit.
Par l’idée de contamination pornographique de la lecture sur supports numériques, j’entends désigner ici par l’emploi même du terme “pornographie” : tout ce qui sature la lecture.
Si nous établissons un parallèle entre, d’une part, le regard voyeur face aux photographies ou aux vidéos véritablement pornographiques, et, d’autre part, le regard lecteur, face à des contenus hypertextes et multimédias, où l’invite à cliquer ou effleurer l’écran tactile est permanente, nous retrouvons dans ces deux situations le même effet hypnotique de saturation du désir initial, une mise à mort de la curiosité.
La lecture numérique pourrait s’apparenter ainsi par ces aspects à une tentative d’épuisement de la lecture linéaire pratiquée depuis les origines.
La page-écran, en rendant possible à terme une lecture connectée, à la fois zapping et soumise à la triple intrusion :
– des opérateurs ou des fournisseurs d’accès,
– des annonceurs publicitaires,
– des autres lecteurs, avec leurs commentaires, voire annotations et soulignements, si ce n’est des ajouts ou des modifications au texte initial de l’auteur ; la page-écran introduit une rupture du contrat de lecture, une dérégulation des pratiques qui pourrait se formuler par l’équation : [lecture numérique = soumission pornographique du lecteur].
La lecture, dite enrichie, appauvrirait en fait l’imaginaire, et, du coup, le désir de lire des lecteurs.

Une lecture pornographique de Georges Simenon


J’ai tenté l’expérience de ce vers quoi pourrait dériver une lecture, dite “enrichie”, du premier roman de ma bibliothèque à m’être tombé sous la main. En l’occurrence : Le pendu de Saint-Pholien, de Georges Simenon (édition Presses Pocket de 1977, 182 pages).
J’ai imaginé que je pouvais cliquer sur les pages pour accéder aux informations et documentations complémentaires dont le désir fugace pouvait traverser mon esprit à la lecture. Par exemple, en cliquant sur un nom de lieu, accéder à un plan et à une photo de l’endroit cité…
La représentation graphique ci-dessus n’illustre en fait qu’une partie de cette tentative d’épuisement du livre. Comme vous le voyez, j’ai abusé des points de suspension là où l’exercice serait devenu fastidieux, et j’ai placé une “mine” là où il deviendrait dément, labyrinthique. Par exemple : naviguer à partir de la lecture de ce roman précis dans l’intégralité de l’œuvre prolifique de Simenon, dans l’intégralité des aventures du fameux commissaire Maigret, dans les profils et les commentaires de ses millions de lecteurs ! Ce ne serait plus du flux ce serait un tsunami ce serait de la folie ce serait de la pornographie vous dis-je !
Saturé, j’ai, malgré mes précautions (points de suspension et mines) arrêté l’expérience à la page… 47 ! C’est tout dire.
C’est dire qu’un dispositif de lecture qui permettrait de naviguer à vue dans Le pendu de Saint-Pholien en rendrait la lecture impossible.
L’attention du lecteur s’éparpille en dehors des voies qui lui sont tracées par l’auteur, elle se désagrège, tandis que se délite la minutieuse et habile trame narrative mise en place avec, pourtant, tout le savoir faire de Simenon.

Un comité d’éthique ?

Ainsi, l’un des enjeux capitaux de l’édition numérique du 21e siècle est-il, à mon sens, la redéfinition du périmètre de la lecture (au-delà des questions adjacentes des contenus et de l’étendue).
Passant de l’imprimé figé au flux, aussi volatile que la parole, le texte numérique peut, soit devenir une particule, soit devenir une cellule. Inorganique, ou, organique ? Délimiter l’activité de lecture c’est définir un juste milieu entre la tempête de sable et la prolifération cancéreuse de cellules vivantes.
Le 21 octobre 2009 à l’Hôtel de Massa, dans le cadre des rencontres La révolution numérique de l’auteur, organisées par la SGDL, Jean Sarzana proposait : « Enfin, je vous suggère de créer un comité d’éthique avec les éditeurs, les auteurs, les libraires et les bibliothécaires français, ce qui faciliterait les échanges. » [Source]
Ici même j’ai plusieurs fois appelé pour ma part à : « La création d’un “Think Tank” (groupe de réflexion public-privé), qui pourrait être, à la fois, un observatoire indépendant, une force de propositions, et un comité de suivi et d'éthique, regroupant les “insiders” de l'édition papier, et, de l’édition numérique, ainsi que des experts de la prospective et de l'économie de la connaissance. » Qui pourrait faire relais ?

lundi 12 juillet 2010

Innovation produit pour le livre 2010 2020

Le développement des produits existants et la création de nouveaux produits restent les principaux moyens pour préserver ou acquérir un avantage compétitif.
L’innovation produit consiste principalement à l’amélioration d’un produit déjà existant, généralement par l’adoption/adaptation d’une nouvelle technologie. Dans une telle démarche, la place accordée, a priori, au client, à la demande, est capitale.
En tant que discipline qui s’applique à expliciter et à représenter les transformations et les nouvelles formes possibles d'organisations socio-économiques dans le secteur du livre et de son marché, afin d'y mettre en œuvre des stratégies de développement, la prospective de l’édition peut déployer des méthodologies adaptées aux éditeurs désireux de commercialiser des offres innovantes.
L’innovation produit est de fait au croisement de la prospective de l’édition et de la prospective du livre. En concevant le livre comme un dispositif de lecture, au fil des siècles perfectionné, et, aujourd’hui encore, perfectible, la prospective du livre recouvre, tant, la conception de nouveaux dispositifs de lecture, que l’évolution de l’actuelle interface, connue sous le nom de codex.

Le livre : un produit toujours nouveau
Deux exemples suffiront ici pour rappeler que l’innovation est depuis toujours le moteur de la pérennité et du développement du livre au fil des siècles. Nous ne les avons choisis, parmi de nombreux autres exemples possibles, que pour la simple raison que leurs illustrations sont, en quelque sorte, parlantes ;-)
D’abord, au 13e siècle, les livres de ceinture (Cf. 1ère illustration, source) et en déclinaison 21e siècle (Illustration de dessous, Artes del Libro, Rodrigo Ortega, 2006, source)


Ensuite au 14e, les roues à livres (book wheel), permettant, des siècles avant l’électricité, une lecture hypertexte !

Durant des siècles, artisans du livre et auteurs ont collaboré pour que l’objet livre puisse sublimer ses limites matérielles. Ces efforts se retrouvent tant dans les livres animés qui avaient devancé les fameux pop-up [Document], que, par exemple, dans les livres objets poétiques de Michel Butor [Vidéo : Michel Butor et ses livres-objets], ou encore, aujourd’hui, ces livres-coffrets que les éditions Hachette multiplient, notamment autour des arts de la table et avec leur maison Larousse [Interview : Livres objets : 4 Questions à Isabelle Jeuge-Maynart, Président-directeur général des Editions Larousse].

Cesser d'expérimenter

Aujourd’hui, dans une démarche de prospective appliquée au livre et à l’édition, l’innovation produit peut concrètement se décliner sur plusieurs axes :

jeudi 8 juillet 2010

Un annuaire de l’édition numérique et innovante francophone ?

Et si nous posions ici les premières pierres d’un annuaire de l’édition numérique francophone ?

Ci-dessous une première base en “work in progress”.

Deux moyens de participer :
- 1 : en enrichissant à partir des commentaires (le post sera actualisé au fur et à mesure des apports)
- 2 : si vous êtes cités (ou désirez l’être) me contacter en me précisant si vous seriez éventuellement désireux de me fournir une documentation détaillée sur votre entreprise…


Éditeurs numériques francophones
(N.B. : Nous entendons ici par cette dénomination, les éditeurs 100% numérique [pure player], ou dont la première édition de l’œuvre est numérique.)

Actialuna (France) http://www.actialuna.com/
BookLab (France) http://www.lebooklab.fr/
Chemin de Tr@verse (France) http://www.chemins-de-traverse.fr/
Chouetteditions.com (Québec) http://www.chouetteditions.com/
Editions La Langue Française (France) http://www.editions-llf.fr/
i-Gutenberg (France) http://www.i-gutenberg.com/
Leezam (France) http://leezam.com/
Le Livre Scolaire (France) http://www.lelivrescolaire.fr/
Numerik Livres (France et Québec) http://www.numeriklivres.com/
Publie.net (France) http://www.publie.net/
Robert ne veut pas lire (Québec) http://www.robertneveutpaslire.com/
SmartNovel (France) http://www.smartnovel.com/
So Ouat! (jeunesse) (France) http://www.so-ouat.com/fr/
StoryLab (France) http://www.storylab.fr/
Volumique (France) www.volumique.com/fr/
Zebook (Coéditions, France) http://www.zebook.com/
40k (e)books (Italie, traductions) http://www.40kbooks.com/

Éditeurs numériques bandes dessinées
(N.B. : idem Éditeurs numériques francophones.)

Aquafadas (Ave!Comics, Coédition) (France) http://www.avecomics.com/
BDnum, (France) (Application, Coédition) http://bdnum.com/
Emedion (France) http://www.emedion.com/
Foolstrip (France) http://www.foolstrip.com/
Izneo (Diffusion et Coédition) (France) http://www.izneo.com/
Lanfeust (France) http://www.lanfeust.com/
Mangako (France) http://www.mangako.com/
MComics NomadBooks (Tekneo Studio) (France) http://www.nomadbook.com/
WebComics (France) http://www.webcomics.fr/

Veille

En marge, il serait certainement intéressant de mener un travail similaire de détection sur : les nouveaux modèles économiques émergents dans l’édition (par exemple, les éditions dites participatives [crowdfunding]…), ainsi que sur les premières éditions intégrant la réalité augmentée. (Si vous avez d’autres idées, mais qui ne s’éloignent pas trop du fil rouge : “annuaire” de l’édition numérique, n’hésitez pas à les soumettre en commentaires…)

Éditions participatives francophones

EdiCool (France) http://www.edicool.com/
Editeursauteursassocies.com (Éditions Alphée, France) http://www.editeursauteursassocies.com/
Éditions du Public (Éditions PC, France) http://editionsdupublic.com/
Lesnouveauxauteurs.com (France) http://www.lesnouveauxauteurs.com/
Manolosanctis (BD, France) http://www.manolosanctis.com/
My Major company Books (XO éd., France) http://www.mymajorcompanybooks.com/
Sandawe.com (BD, Belgique) www.sandawe.com/fr/

Livres et réalité augmentée

BookBeo (France) http://blog.bookbeo.com/
Carlton Books (Angleterre) (Dinosaurs Alive & Fairyland Magic, Leovation) Infos à partir de: http://publigeekaire.com/2010/06/2-nouveaux-livres-en-realite-augmentee-dinosaurs-alive-fairyland-magic/
Culture Clic (France) www.cultureclic.fr/fr
Metaio (Allemagne) http://www.metaio.com/
Templar Publishing (Angleterre) www.templarco.co.uk/ologies/dragonology.html

mardi 29 juin 2010

Gutenberg 2.0 en consultation libre

Régulièrement des étudiantes, des étudiants, des enseignants parfois, s'intéressent encore à mon ouvrage "Gutenberg 2.0, le futur du livre" paru aux éditions M21.
Je les en remercie, mais je tiens ici à attirer leur attention, et celle de tous les lecteurs de ce blog, sur les faits suivants :
- La dernière réédition de ce livre date de début 2008, or, il s'agit d'un sujet qui évolue extrêmement rapidement et régulièrement, presque toutes les semaines,
- Par ailleurs, suite à un regrettable problème lors de l'impression, il manque une dizaine de photographies en illustration du texte :-(
Pour un ouvrage à 23 euros, cela peut faire un peu beaucoup pour des étudiants !
Aussi, dans ce contexte, l'acquisition de ce livre n'est-elle pas forcément pertinente aujourd'hui.
Aussi, les personnes cependant intéressées peuvent-elles le consulter simplement et librement, et pratiquement dans son intégralité, sur Google Books en cliquant ici ;-) et s'adresser directement à moi pour le reste et toutes demandes d'informations complémentaires :-)

lundi 21 juin 2010

Prochaines participations, dont Numer'ile

Après les 3e Rencontres de la diffusion multicanal dans l'édition, le 09 juin dernier, où nous avons fait salle comble avec Presseedition.fr, j'aurai le plaisir de participer le 20 août prochain à Ouessant au programme numer'ile (dans le cadre du Salon international du livre insulaire) en tant que "grand témoin" de l'entretien entre François Bon et Thierry Crouzet, sur le thème : "Ce qu'Internet change au récit du monde".
Autres interventions prévues ensuite cet automne, notamment à Poitiers, Limoges, Tours, et Paris bien évidemment :-)

vendredi 18 juin 2010

Bibliographie en futurologie du livre

Dans le cadre de mes recherches en prospective du livre (pour rappel que je définis ainsi : « l’étude des évolutions et des mutations des livres, conçus en tant que dispositifs de lecture, c’est-à-dire en les considérant comme des interfaces ILL : des interfaces lecteurs / livres. » Extrait du Livre Blanc sur la Prospective du Livre et de l’Edition), je suis amené à établir une bibliographie francophone des livres qui traitent, spécifiquement, de l’avenir des livres (et non pas de l’édition ou des techniques d’impression) ; des ouvrages qui abordent les questions de l’évolution des supports de lecture et de leurs influences sur les pratiques de lecture, les lecteurs, et, les sociétés.
Il s’agit d’abord de repérer les ouvrages concernés. (Le plus compliqué est de repérer les œuvres dont seules quelques pages au plus traiteraient de la question : par exemple, Jules Verne, dans l’un des 64 volumes de ses Voyages extraordinaires, aborda-t-il la question des dispositifs de lecture ? D’en repérer également dans la littérature d’anticipation et de science-fiction que je connais très mal… Parfois aussi, il est difficile de trancher : le Livre cinquième dans Notre-Dame de Paris de Victor Hugo, aurait-il sa place dans une telle bibliographie ?) D’abord donc, repérer les ouvrages ou les passages concernés. Ensuite, se les procurer puis les lire. Et, enfin, déterminer en quoi ces avis et ces visions pourraient, aujourd’hui, éclairer notre horizon et dessiner des perspectives pour le livre, en tant que dispositif de lecture, au cours du siècle.
Pour le classement de cette bibliographie, en cours et certainement encore bien incomplète (mais je compte sur les lecteurs de ce blog pour l’enrichir ;-) j’ai opté pour un classement chronologique par date de première publication des œuvres concernées. Cela donne pour l’heure (et sera progressivement enrichi ici même…) :
-385 / -370 av. J.-C., Phèdre, Platon. (sur Wikisource)
1786, L'an deux mille quatre cent-quarante : rêve s'il en fût jamais (Volume 1), Louis-Sébastien Mercier (Sur Gallica [Photo]) N.B. je recherche une version numérique plus facilement lisible qu’en mode image ;-)
1846, Le monde tel qu'il sera, Émile Souvestre (N.B. : je recherche une version, si possible numérique et lisible, de ce texte ;-)
1892, La vie électrique, Albert Robida (Version en ligne sur Gloubik)
1932, La Mort du Livre. Anticipations bibliophiliques, Maurice Escoffier (Revue Mensuelle de l’Association des Anciens Élèves de l'École des Hautes Études Commerciales, numéro spécial sur le livre de décembre 1932).
1944, La bibliothèque de Babel, Jorge Luis Borges.
1953 (USA), 1955 (France), Farenheit 451, Ray Bradbury.
1975, Le livre de sable (dont, Le Congrès), Jorge Luis Borges.

jeudi 3 juin 2010

Ouverture du Labo BnF

J’ai eu le plaisir d’assister hier soir à l’inauguration du Labo BnF « laboratoire expérimental ouvert au public sur les usages des nouvelles technologies de lecture, d’écriture et de diffusion de la connaissance » dont nous devons la conception à Bruno Rives, de l’observatoire Tebaldo, et l’installation aux sociétés 4DConcept et Ganaxa.
 
Absences remarquées, et à mon sens regrettables, de Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, et de la secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique auprès du Premier ministre, Nathalie Kosciusko-Morizet. Seuls quelques mots sans conséquences de Bruno Racine (président de la BnF) et de Christine Albanel (qui pilote la communication du partenaire du Labo BnF : Orange).
Nonobstant, il s’agit incontestablement là d’une intéressante et pertinente initiative, à encourager et à suivre de près.
Sa pérennité serait pour l’heure assurée pour trois ans et, au-delà de la fréquentation et de l’intérêt que cet espace (intelligemment situé) engendrera chez les lecteurs visiteurs de la BnF, ce sont surtout les ateliers, les cycles de conférences, la vitalité de son blog associé [http://labobnf.blogspot.com/] et de son site Web dédié [http://labo.bnf.fr/] qui feront sens et ouvriront d’éventuelles perspectives d’avenir.
Ce Labo BnF est je trouve doublement symptomatique : d’une part, il marque bien la migration de l’écriture et de la lecture vers de nouveaux supports, plus fluides et intuitifs que ceux de l’imprimé, mais, d’autre part, il souligne également la rupture culturelle induite par ces nouveaux supports et leurs aspects encore, précisément, "laboratoires".
Espérons qu’il sera un lieu de réflexion, entre ceux qui sont prêts à se jeter corps et âme dans l’édition numérique et ceux qui freinent des quatre fers, comme s’il était encore possible de cryogéniser la chaîne du livre française au siècle précédent !
Oui, c’est décidément bien une intéressante et pertinente initiative à suivre de près et j’espère que j’aurais l’occasion d’y retourner souvent.

(« Le Labo est réalisé avec le soutien d’Orange, partenaire fondateur, le soutien technologique de Bridgestone et l’Institut des Systèmes Intelligents et de Robotique (ISIR) et la participation de Adobe, Sony, Samsung et Epson. »)
N.B. illustrations DR. © Jean-Claude PATTACINI/BnF.