dimanche 30 juin 2013

Les crimes contre les livres sont des atteintes aux lecteurs

Difficile souvent, au travers de ce que le livre imprimé est devenu de nourrir une nostalgie.
Il y a un vide -une zone de silence, que l'industrialisation des procédés a creusé. Depuis longtemps il y a un crime contre les livres qui est une atteinte aux lecteurs.
Pourquoi taire que les livres numérisés y participent, ne sont que les métastases de cette surproduction effrénée des livres et que la lecture s'y épuise.
Avec la fin du feuilletage la lecture nous file entre les doigts, la lecture sur écran échappe à nos yeux, elle fuit ailleurs, mais où ?
Où la lecture pourrait-elle poursuivre son besoin ou son rêve de livres ?

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samedi 29 juin 2013

L'après lire

Il y a des moments dans la vie des lecteurs, qui succèdent à l'ivresse d'avoir vécu d'autres vies, d'avoir parcouru d'autres mondes, et qui laissent une sensation de vide, comme une esplanade nettoyée par la pluie, avec une clarté, une tranquillité, une plus grande acuité de vision d'odorat d'ouïe sur les réalités du monde.
C'est à la culture de ces moments-là que l'édition du 21e siècle devrait s'attacher.

Photo Licence domaine public CC0 1.0
 

lundi 24 juin 2013

Actualisation de la liste des 135 acteurs francophones de l'édition numérique

 
135 entreprises concernées
 
(Rappel : ce listing participe de mon travail de veille stratégique et technologique, il n'a pas vocation à servir d'annuaire et ne constitue en aucun cas une recommandation.)
 

vendredi 21 juin 2013

Peut-on encore lire ? Participez à la conversation...

J'ai le plaisir d'annoncer la publication de Peut-on encore lire ? en collaboration avec Marc-André Fournier à son enseigne des Guides MAF.
De quoi s'agit-il ?
La
description du livre sur la boutique d'iTunes est la suivante et elle est juste : 
 

"Le livre numérique n'est pas qu'une question de support. Il soulève aussi des questions d'écriture, de lecture.
Deux points de vues sont proposés dans cet ouvrage.
L'un, empirique, dévoile les voies explorées par un auteur hypermédia pour aborder de nouveaux continents.
L'autre, réflexif, se pose la question du devenir de la lecture au regard des expériences menées aujourd'hui, du patrimoine littéraire existant.".

Le premier point de vue, celles et ceux qui suivent l'actualité des mutations à l'oeuvre dans le monde du livre et de la lecture l'auront compris, est celui de Marc-André, le second est le mien, celui d'un prospectiviste du livre qui n'est ni dans le camp de ceux de l'imprimé ni dans celui de ceux du numérique, mais qui se questionne et interroge ses contemporains sur le devenir de la lecture au cours de ce 21e siècle.
  
 
Je précise en introduction de ma partie intitulée L'Auteur en Prométhée de quoi il retourne en vérité.
" Cela fait quelques années que je suis attentif au travail de Marc-André Fournier et qu’il m’entretient de temps en temps de l’avancée de ses travaux et de ses explorations d’auteur pour utiliser les outils informatiques au service de son inspiration et de son projet.
Mais quel est-il ce projet ?
Ce serait un projet global d’écriture dont la ligne, oserais-je dire : “politique”, et définie avec mon vocabulaire et d’après mon point de vue, serait peut-être la suivante : prenant acte des changements des pratiques de lecture dans nos sociétés du 21e siècle, où les écrans deviennent les principaux supports et où l’image animée et sonorisée supplante le texte, l’auteur se doit d’écrire, non plus pour des lecteurs, mais pour des “médianautes”, l’écriture doit d’emblée être multimédia et ces apports autres que le texte sont des enrichissements.
Dans une société française pourvue d’un ministère de la culture et de la communication, au sein duquel le livre et la lecture relèvent d’une direction générale des médias et des industries culturelles, la posture pourrait certes être d’avenir, si elle ne se heurtait d’entrée de jeu à plusieurs obstacles.
[...]
J’observe donc ainsi depuis quelques années les efforts de Marc-André Fournier pour parvenir à cette écriture, j’observe avec sympathie, mais cependant, je le reconnais, avec une certaine réserve aussi.
Pourquoi ?
Je suis intéressé, mais je ne suis pas séduit.
Pourquoi suis-je réservé, alors que l’ambition et les efforts qu’il produit sont louables et a priori qu’ils se déploient dans une perspective qui devrait séduire un chercheur en prospective du livre ?
C’est en somme pour éclaircir cette zone d’ombre que j’ai accepté de répondre favorablement à son invitation de réagir ici à son texte “Une écriture pour Médianautes”.
Notre conversation au long cours, entrecoupée régulièrement de quelques mois sans nouvelles l’un de l’autre, sinon de se suivre par l’entremise de nos blogs respectifs et des réseaux sociaux, et se renouant toujours à Saint-Germain-des-Prés à une terrasse de café en lisière du jardin du Luxembourg, cette conversation pouvait-elle, peut-elle, demeurer stérile ?
N’aurait-elle aucun sens ?
Parlons-nous lui et moi de la même chose ?
Ou bien n’est-ce qu’un dialogue de sourds ?
C’est vous, lecteurs de ce petit essai à quatre mains et deux claviers, qui pourrez peut-être nous le dire…
"
(Extrait de l'introduction de ma partie, en réponse au texte Une écriture pour médianautes de Marc-André Fournier).
 
Ne nous ménagez pas vos critiques, elles nous font progresser. Merci.
  
Photos, de haut en bas : couverture du livre, captures d'écrans des deux parties, Lorenzo Soccavo à la terrasse de la brasserie Le Rostand face au Jardin du Luxembourg, photo DR Cathy Legendre.
 

jeudi 20 juin 2013

Réaliser la bibliosphère

J'ai eu le plaisir de participer à la deuxième édition revue et augmentée du Médiathème de l'Association des bibliothécaires de France consacré aux Outils du web participatif en bibliothèque, sous la direction de Franck Queyraud et Jacques Sauteron.
Mon texte, titré : Réaliser la bibliosphère a pour ambition de revenir rapidement sur le concept de bibliosphère que j'ai lancé en 2010 dans un petit essai baptisé De la bibliothèque à la bibliosphère (Morey éd.).
La bibliosphère est aujourd'hui pour moi une déclinaison naturelle de la biosphère, la sphère dynamique du vivant qui doit naturellement lire, déchiffrer, décoder son environnement, pour le documenter et y survivre.
"L'idée même de bibliosphère sous-entend que les bibliothécaires se libèrent en fait de la chaîne du livre pour s'investir personnellement et collectivement dans l'écosystème numérique global qui prend forme."
Ma conclusion à cet article est que "La bibliothèque utopique, la bibliosphère, sera partout et nulle part. Elle sera surtout là où il y aura un(e) bibliothécaire connecté(e) et conscient(e) de ses missions. C'est cela la bibliosphère, et ce seront les bibliothécaires qui la réaliseront."
 
Sur le même sujet sur ce blog :
 

dimanche 2 juin 2013

Quand serons-nous à la hauteur de la lecture ?


 
"Les inventions d'inconnu réclament des formes nouvelles" écrivait Arthur Rimbaud, dans sa fameuse Lettre du Voyant, le 15 mai 1871.
 
De fait leurs iPad, leurs Kindle, et leurs joujous pour lire ou, parfois, faire semblant, que sont-ils ?
Sans doute des gramophones comparés à ce que sera véritablement le dispositif de lecture du 21e siècle, ou du suivant...
Je l'espère.
Considérons le saut technologique entre une tablette d'argile et un rouleau de papyrus, considérons le saut technologique entre un rouleau de papyrus et le codex, un livre constitué de cahiers de feuilles reliés entre eux et protégés par une couverture. Considérons le passé et ayons honte.
Et (paraphrasant Apollinaire) pour tenter, sinon une rénovation du livre, du moins un effort personnel, je pense qu’il faudrait revenir à la nature même des civilisations de l'écrit, mais sans l’imiter à la manière des photographes : "Quand l’homme a voulu imiter la marche, il a créé la roue qui ne ressemble pas à une jambe. Il a fait ainsi du surréalisme sans le savoir." (Guillaume Apollinaire, Les Mamelles de Tirésias - Préface).
 

lundi 27 mai 2013

Lecture d’un Plaidoyer pour un renouveau de l’émotion en littérature

[N.B. été 2019 : l'auteur de l'ouvrage concerné ci-dessous m'ayant fait savoir clairement qu'il avait désapprouvé mes impressions de lecture je n'ai fait, par pure politesse, que signaler de la manière la plus neutre possible sa plus récente publication et m'abstiendrai à l'avenir.
Je rappelle que ce blog n'est en aucun cas un blog de critiques ou de recensions de livres, mais un espace personnel indépendant dans lequel je me fais l'écho de mes propres recherches sur la prospective et la mythanalyse de la lecture et des travaux qui s'y rattachent.] 
  
C’est d’abord le titre qui m’a accroché. Depuis l’adolescence je suis en effet un lecteur obsessionnel, principalement de romans que je considère comme des chantiers de la subjectivité et des laboratoires de “la vraie vie”.
J’ai donc lu, il y a quelques semaines déjà, ce livre de Jean-François Vernay, enseignant et essayiste littéraire, récemment paru aux éditions Complicités, sous ce titre : Plaidoyer pour un renouveau de l’émotion en littérature.
 
Ces dernières semaines, avec le travail du temps et son lot de nouvelles lectures, ces dernières semaines m’auront finalement sans doute été bénéfiques pour prendre un certain recul et être peut-être moins critique que je ne l’aurais été à la fermeture de l’ouvrage.
Dans cet essai Jean-François Vernay a pour ambition de nous faire partager sa conviction de lecteur et d’enseignant que la lecture est chose sensible et qu’il serait temps de réhabiliter l’affectivité dans une pratique en partie gouvernée par l’émotivité conjuguée des auteurs et des lecteurs.
C’est ce qui fait que j’ai eu envie de le lire et que j’en recommanderais la lecture malgré les quelques réserves que je vais exprimer dans la suite de ce “post”.
  
Rapprocher la sensibilité et la réflexion
 
« Mon approche, précise l’auteur en fin d’ouvrage, aspire à réconcilier le lecteur professionnel [auquel il s’adresse prioritairement] qui se fait attentif aux diverses techniques romanesques et le lecteur amateur qui s’abandonne plus volontiers à la jouissance du texte. Le lecteur professionnel qui procédera à une analyse psycholittéraire sera invité à communiquer le plaisir que lui a procuré le texte littéraire et à rendre justice à la chair des mots en proposant des analyses textuelles qui engagent autant sa réflexion que sa sensibilité. » (p. 94).
Les axes qu’il finit par définir, et qui pourraient chacun être l’objet d’un essai, sont ainsi :
- Réhabiliter la subjectivité,
- Prendre en compte la jouissance esthétique,
- S’intéresser aux divers positionnements de la philosophie sur le roman,
- Tirer des enseignements des théories de la psyché et intégrer les avancées des neurosciences,
- Prendre la mesure des affects dans l’interprétation, la conception et la réception de l’œuvre littéraire.
Tout un programme ! Et auquel j’adhère.
 
Il aurait été, en effet, fort intéressant qu’il soit développé dans ce plaidoyer où il n’est finalement pas véritablement question, ni de régrédience (position pulsionnelle réceptive passive et hallucinatoire de la lecture immersive, qui fait que les mots lus font images pour le lecteur captivé), ni d’abréaction (réduction de la tension émotive).
Vincent Jouve allait bien plus loin en avançant lui l’idée que : « Si, donc, les structures textuelles maintiennent en éveil la conscience critique du lecteur, le retour du refoulé dans la lecture conduira à la progression et non à la régression. Au lieu de revivre servilement une scène « identique », le lecteur pourra se réinvestir différemment dans une « même » scène. La lecture de certains textes permet ainsi des « effets en retour » qui rendent possible l’ « abréaction » […] décharge émotionnelle par laquelle un sujet peut se libérer des traces en lui d’un événement traumatique. » (La lecture, p. 103, Hachette éd.., réédition de 2006).
  
Un essai à transformer !
 
Pour un public de lecteurs obsessionnels, d’enseignants du secondaire, de lycéens très motivés ou d’étudiants en littérature, l’essai de Jean-François Vernay a le grand mérite d’être plus abordable que nombre d’ouvrages universitaires qu’il cite sans retenue.
Je ne peux cependant m’empêcher d’établir un parallèle entre son livre et la synthèse que je viens d’évoquer du chercheur en théorie littéraire Vincent Jouve, plus sobrement titrée : La lecture, et proposant en 1993 aux éditions Hachette un tel panorama des théories de la lecture des œuvres littéraires depuis les années 1970.
Théories et pratiques de la lecture littéraire, sous la direction de Bertrand Gervais et Rachel Bouvet, paru en 2007 aux Presses de l’Université du Québec fait de même état des recherches conduites par le Groupe de recherche sur la lecture (GREL) de l’Université du Québec à Montréal et qui ont eux : « abordé la lecture comme un processus dynamique, d’abord et avant tout, comme une activité mettant en présence un lecteur singulier et un texte singulier. Le point de départ était simple : la lecture met en jeu un ensemble de processus qui se complexifient en se déployant. Elle ne doit pas être conçue comme un geste unique, toujours équivalent, toujours parfait, mais comme un équilibre particulier et à chaque fois renégocié entre ses divers composantes, qu’elles tiennent à la manipulation, à la compréhension ou à l’interprétation des textes. » (p. 1).
Au-delà sa louable intention, ce qui peut faire l’intérêt de ce plaidoyer est son véritable florilège de citations, mais qui devient cependant agaçant parfois lorsque l’auteur cite un auteur qui cite un autre auteur. Cette mise en abyme apporte peu à un lecteur professionnel et égare un lecteur amateur.
  
Revaloriser le statut de lecteur
  
Dans cette sphère des lecteurs professionnels à laquelle appartient l’auteur ces questions sont connues. Le véritable enjeu serait maintenant de porter ce juste plaidoyer dans l’agora des lecteurs.
Il faudrait pour cela élargir son horizon et véritablement se rapprocher et s’adresser au « lecteur amateur qui s’abandonne plus volontiers à la jouissance du texte. ».
Peut-être que Jean-François Vernay et moi n’avons simplement pas les mêmes références. Si j’enseigne, je ne suis pas pour autant enseignant, si j’ose dire estampillé “éducation nationale”. Aussi ai-je été surpris de ne trouver dans un livre qui en moins de cent cinquante pages accumule autant de citations, aucune référence à, par exemple, l’essai de Nancy Huston : L’espèce fabulatrice, ni à celui de Frédérique Leichter-Flack : Le laboratoire des cas de conscience, alors que tous deux auraient, je pense, bien illustré les arguments de notre auteur tout en ouvrant des perspectives à ses lecteurs.
Rien non plus sur la bibliothérapie, ni sur les travaux de Stanislas Dehaene, auteur du fameux Les neurones de la lecture, alors qu’auteur et éditeur annoncent pourtant l’ouvrage comme plaidant « pour une réflexion nouvelle concernant l'émotion en littérature à partir du progrès important des neurosciences ces dernières années. » ( ?).
En s’extrayant de l’actuelle mutation des pratiques de lecture cet ouvrage, par ailleurs pas inintéressant, reste malheureusement dans le pré carré des études littéraires. Se voulant érudit il néglige des sources et des ressources qui auraient enrichi son propos.
Comment ignorer que les lecteurs amateurs, ceux là qui se laissent emporter par leurs lectures sentimentales, se déguisent aujourd’hui en auteurs et que des industriels du divertissement travaillent à rentabiliser leurs pulsions créatrices (lire par exemple Ebooks : Kindle Worlds, le boulet de canon d’Amazon).
Comment ignorer que les technologies immersives vont bientôt rendre possible une véritable plongée du lecteur dans la fiction (lire par exemple : Autre côté de l'histoire, autre côté du miroir ).
  
Au fond, c’est un peu dans ce livre comme si Jean-François Vernay souffrait quelque part de l’aridité universitaire sans pouvoir cependant véritablement s’en défaire et exercer pleinement sa liberté d’esprit et… de lecteur.
Attendons la suite…
Réhabiliter la subjectivité, prendre en compte la jouissance esthétique, s’intéresser aux divers positionnements de la philosophie sur le roman, tirer des enseignements des théories de la psyché et intégrer les avancées des neurosciences, prendre la mesure des affects dans l’interprétation, la conception et la réception de l’œuvre littéraire, dit-il.
Tout un programme ! Et auquel j’adhère.